Le Vampire et la Sorcière

HRP: Ouverture du RP \o/
Je remets les posts du test Rp pour resituer
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Je suis bien, là. Il fait chaud. Aucun bruit ne perturbe le silence dont je fais preuve, excepté un léger remous de vagues. Je pourrais rester ici une éternité entière sans jamais m’en lasser…
Des effluves salins voyageaient dans l’air, émerveillant un autre de mes sens. Le toucher, l’ouïe, l’odorat…quelle autre merveille cet endroit me réservait ?
J’ouvris les yeux. Un magnifique ciel bleu, parcouru par de rares nuages et illuminés par un soleil éblouissant. Je clignais plusieurs fois des yeux à cause de ce dernier, mais la luminosité était loin d’être agressive. Un sentiment de léger étonnement m’étreignit néanmoins : je ne me souvenais pas m’être assoupi ici. D’ailleurs, quel était ce « ici » ?

Je me redressais avant de jeter un œil à droite et à gauche. Du sable tomba de mes vêtements. Ce même sable doux qui recouvrait toute la plage sur laquelle j’étais. Je tentais d’en prendre une poignée, mais ne pus sentir son contact. Surpris, je vis que mon corps était intégralement recouvert d’une combinaison noire, ainsi que de deux morceaux d’armure. Une cape élimée d’un rouge sanguin était aussi posée sur mes épaules. Balayant quelques mèches de mes cheveux, je me rendis compte que je portais aussi un bandeau. Quand est-ce que je les avais mis ? Quels vêtements sinistres…
Un moment. Pourquoi les ais-je mis ? Et comment suis-je arrivé ici ?

Aucune réponse à l’une comme à l’autre de mes questions. Personne non plus en vue pour m’aider. Etais-je sur une île déserte ? Je devais pourtant trouver quelqu’un, ne serait-ce que pour comprendre ce qu’il se passe. Et où étais-je, avant ?
…
Je…ne m’en souvenais pas. Je n’avais aucun souvenir. C’était absurde. Comment pouvais-je… ? Etais-je amnésique ? Qui je suis, d’ailleurs ? Non…je ne le savais pas non plus…
Je ne sais…plus rien.

Je me relevais, aussi réveillé que l’on pouvait l’être, et dans une forme olympique. Pourtant, je venais de me réveiller…et ces vêtements. Ils étaient chauds. Très chauds. Pourquoi est-ce que je ne transpirais pas… ?
Quelque chose ne va pas. Je dois trouver quelqu’un. Peut-être qu’il pourra m’expliquer.
Voilà une autre chose étrange. Pourquoi est-ce que je ne paniquais pas ? Je venais de me réveiller au milieu de nulle part, sans aucun souvenir…et rien. Est-ce que ça m’était déjà arrivé auparavant… ? Non, question inutile.

Je me mis en marche, mes étranges bottes raclant le sable à chaque pas. Aucun grain ne les pénétra cependant. Mon corps était-il hermétiquement fermé, excepté mon visage ? Etais-je…victime d’une maladie grave ? Cela expliquerait peut-être l’absence de panique, et le reste. Je rentrais dans une forêt d’arbres verts, où les bruits d’une faune riche résonnaient. Des oiseaux, et d’autres choses que je ne connaissais pas, le tout presque occulté par le bruit des feuillages transportés par le vent...
Cet endroit ressemble vraiment à un paradis perdu.

Quelque chose cogna contre ma cuisse. Baissant le regard, je vis un éclat argenté, et…un revolver ? Que faisais-je avec une arme ? Etais-je une sorte de soldat ? Ou pire…un tueur ? Non, ne pas sauter aux conclusions. Mais ça ferait le lien avec mon accoutrement.
Je relevais le regard. Je me chargerais de mon identité plus tard. La priorité restait de trouver un village, une enclave, ou quoi que ce soit d’autre. En parlant de ça…d’autres sons parvenaient jusqu’à moi. On dirait de l’activité. Parvenant enfin jusqu’à un chemin, je me mis à le suivre, ce qui se révéla rapidement payant. Deux pierres blanches dressées semblaient marquer l’entrée d’un village étrange. De ce que je distinguais des habitants, les habits étaient bien différents des miens – plus légers, aux teintes plus gaies – et des huttes parsemaient une sorte de boulevard menant à un grand bâtiment de pierre.

Une minute. J'étais encore à plus de cinq cents mètres. Comment est-ce que j’avais réussi à… ?
Je balayais cette question de mon esprit. Sans aucune réponse à fournir, il était plus important de se concentrer sur ce que j’avais découvert. Je continuais à suivre le chemin, jusqu’à ce que l’on remarque ma présence. A peine un regard d’un autochtone que celui-ci regarda autour de lui, affolé, avant de s’élancer à ma rencontre. L’homme était grand, très musclé, et doté d’une coiffure pour le moins…particulière, avec une mèche de cheveux qui remontait en chandelle au-dessus de son front. Sa voix avait un fort accent, néanmoins facile à comprendre.

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Il fait beau aujourd'hui, comme d'habitude. Les journées s'écoulent heureuses et enveloppantes, enlaçant chaque chose et chaque être de sa tendre chaleur. Pourtant un morne ennui me guette, bien que je ne me sente pas lasse de cette vie. La tranquillité était un bien précieux et cette paix relative me plaisait, car depuis trop longtemps je l'avais cherchée. Son obtention avait eu lieu dans la lutte et parfois dans la douleur, alors même si la vie modeste que je menais sur l'île n'avait rien de comparable à l'excitation de me battre lors des pèlerinages, je me sentais bien.

J'étais assise sur les marches du temple, me disant pour la millionième fois combien ses formes architecturales familières étaient belles et élégantes... tout comme elles s'étaient faites désuètes. L'idéologie Yevonite n'était plus, ou tout du moins elle ne subsistait plus sous ses formes premières. New Yevon était bien différente, mais à mes yeux elle ne valait pas mieux. Juste encore un ramassis de sornettes qui confortaient les cœurs mais bernaient les raisons. De pieux mensonges qui ne faisaient pas avancer, juste stagner dans l'ignorance. Le regard perdu dans le vague, je me reposais en profitant de la sieste de l'exigeant Vidin, qui malgré son jeune âge avait déjà les caprices affamés de son père.
Père qui d'ailleurs s'entraînait encore en plein air avec les Besaid Aurochs au grand complet... puisque en tant que capitaine l'idée même de laisser ces paresseux se complaire dans le farniente lui était impossible. Mes yeux écarlates se portèrent vers le ciel d'un air rêveur, alors que soudainement une présence étrange attira mon regard. De fait Wakka s'était soudainement arrêté, ce qui avait pour conséquence d'arrêter les bruits de ballon qui s'entendaient au loin, constants mais irréguliers. Je crus voir une silhouette au loin et finalement me levai, secouant quelques grains de poussière et de sable de ma robe sombre. Ma vue ne m'avait pas trompée car celui qui était mon compagnon se déplacea pour visiblement accueillir un visiteur. La silhouette ne me disait rien, ce qui laissait présager qu'un nouveau venu s'était déplacé... Ce qui était somme toute très bizarre puisque Besaid demeurait une contrée très reculée et peu fréquentée de Spira. Certes c'était devenu un village saint à cause des deux Grands Invokeurs qui y avaient vu le jour, mais cela demeurait avant tout un hameau paumé au milieu des plages de sable fin...

Les ceintures qui formaient ma complexe garde robe tintaient discrètement tandis que je m'approchai lentement, par curiosité. Aucun des villageois ne cessa ses occupations, car ils étaient probablement trop absorbés... Puis il était bien connu que j'étais assez... hum... sévère? L'air pourtant détendu sans pour autant détendre mon faciès d'un sourire, j'observai cet étranger qui avait l'air tombé du ciel... ou tout juste d'ailleurs. Ce n'était pas sans me rappeler l'arrivée de Tidus il y a quelques années. Et dire que je ne l'avais pas cru quand il avait dit venir d'une cité déchue... Zanarkand la ville qui ne dormait jamais. Quoi qu'il en soit cette silhouette masculine arborait une apparence étrange... Il était tout de noir et rouge vêtu, avec des longs cheveux corbeau et... une étrange makina accrochée à sa jambe. Fronçant les sourcils tout en me disant que ces trucs étaient devenus bien trop courants à mon goût, je suis alors parvenue jusqu'à eux en me suis tenue près de mon concubin tandis qu'il lui souhaitait la bienvenue, plein d'enthousiasme et de la sympathie qui lui étaient propres. Pour ma part je n'en rajoutai pas tout de suite, préférant surveiller cet inconnu de manière plus analytique sans être hostile. Ma silhouette généreuse de formes ne trahissait pas mon statut de mage noire, mais le fait est qu'après tout ce que j'avais traversé, une simple incantation suffirait à le foudroyer sur place si jamais il avait des desseins douteux... Pourtant, malgré ma méfiance naturelle, je ne me sentis pas menacée... et lui dis simplement tandis que la bise agitait mes longs cheveux tressés:

- Soyez le bienvenu dans notre modeste village. À qui avons nous l'honneur?

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- Bienvenu à Besaid, voyageur ! Vous êtes venu pour les légendaires Besaid Aurochs, ya ?

- ...

Je restais un peu désarçonné par la vitalité de l'autochtone. A peine étais-je arrivé dans ce village - Besaid, c'est ça ? - qu'il était venu à ma rencontre et m'abordait sans complexe. C'était...étrange. Je ne me sentais pas capable d'autant de familiarité, et pourtant cela coulait de source chez l'homme. Et les "Besaid Aurochs" ? Etait-ce un groupe de musique ? De danseurs ? Aucune idée, mais quelque chose me disait que je le saurais bien assez tôt. Malgré tout je devais réunir des informations, et par conséquent faire profil bas. L'endroit avait l'air assez touristique : l'identité d'un explorateur un peu perdu devrait paraître assez plausible.

- Bonjour. Je regrette, je me suis juste perdu, et suis parvenu jusqu'à votre village...

Et tandis que j'en parlais, je jetai un coup d'oeil circulaire à Besaid. C'était en effet une petite enclave au milieu des feuillages, de très peu de personnes. Je ne pouvais dire combien d'habitants étaient présents, mais je doutais qu'il y en ait plus d'une centaine. Les environs étaient aussi paisibles que le reste de l'endroit, et cela se sentait dans l'atmosphère décontractée de la bourgade. A un certain moment, un léger tintement métallique s'ajouta aux activités des habitants et aux bruits de la jungle. Ce dernier était dû à une magnifique femme en noire, qui s'avançait dans notre direction. Ses yeux rouges pénétrants me surprirent l'espace d'un instant, croyant cette couleur inconnue de l'iris humain. Elle se posta ensuite aux côtés de l'homme, et celui-ci réagit à son apparition.

- Ha, Lu ! On a un touriste perdu qui vient d'arriver !

- Soyez le bienvenu dans notre modeste village. À qui avons nous l'honneur?

La question me fit l'effet d'une gifle en pleine figure. Je me forçai à ne rien montrer, mais tout ce dont j'eus envie sur le moment était d'hurler que je ne savais pas qui j'étais, ni comment j'étais arrivé ici. Je saluai d'un hochement de tête la nouvelle arrivée, "Lu", et pris un moment pour réfléchir à grande vitesse à ma réponse. Devais-je leur révéler la vérité ? Aux premiers venus ? Et si mon amnésie était due à des ennuis, qu'est-ce qui me disait qu'ils n'étaient pas responsables, ou pire, que je les mette en danger par ma simple présence ? Non, me cacher n'était pas non plus une option. Sans mémoire, je ne valais rien. Le mieux était de faire mon possible pour la retrouver. Gagner du temps était la meilleure chose à faire.

Mais quelle conduite suivre ? Et si j'étais délibérément devenu amnésique ? L'hypothèse était tout ce qu'il y avait de plus saugrenu, mais je n'étais plus à ça près. Et si j'avais effectivement des ennuis, le mieux était de se cacher. Les habitants n'avaient pas réagit à mon arrivée : cela les excluait d'une machination quelconque. Etais-je paranoïaque ? En même temps, dans l'état où j'étais, je pouvais me le permettre...mais j'avais besoin de rassembler des informations. En étant amnésique, la meilleure chose à faire est de fouiller des terminaux de données jusqu'à ce que je trouve quelque chose qui me soit un tant soit peu familier.
Mais devais-je rester ici ? M'imposer ? Je craignais d'être un poids en étant un amnésique, surtout au milieu d'inconnus qui n'avaient rien demandés...mais pourtant, je savais que je pouvais me rendre utile. Ou au moins leur rendre la pareille dans le futur. Je choisis donc, certes déçu du manque d'originalité de mon option, de ne pas mentir.

- Je suis désolé. Je...n'en ais pas la moindre idée. Je ne me souviens plus de rien.

[Wow, n'ayant jamais joué à Final Fantasy X ni au X-2, je suis surpris. Tidus était arrivé comme une fleur lui aussi ? Ca laisse pas mal de perspectives, en fin de compte...]
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Mes aveux eurent l'effet escompté : une légère vague de surprise générale. Quoique..."légère" ? Y'avait-il beaucoup d'amnésiques dans les environs ? A moins que ces deux personnes ne soient un peu plus que de simpes habitants. La femme regarda l'homme d'une façon qui ne m'était pas inconnue, et ce dernier eut l'air gêné. Un dialogue silencieux ? Une réprimande discrète ? La complicité qui les liait, et leurs caractères si ridiculement opposés, n'était pas sans éveiller une vague sensation chez moi. Un souvenir ? Ou seulement de l'amusement ? Impossible à déterminer : l'émotion avait disparu aussi vite qu'elle était venue. Quoiqu'il en fut, je fus loin d'être déçu de l'hospitalité de ce village; au contraire, je me sentis presque coupable.

- Wakka, va préparer un lit s'il te plaît... et profites en pour jeter un œil sur Vidin. Je vais faire un tour.
- Heu mais... Bon d'accord Lu.

Et l'homme de s'éloigner, à la manière d'un enfant auquel on avait reproché quelque chose qui n'était pas justifié. M'installer chez ce couple ? Alors qu'ils me connaissaient à peine ? Non, le village était petit...peut-être allais-je simplement bénéficier d'un lit et d'un toit de fortune. Ce qui me convenait parfaitement. Et ces deux personnes - Wakka, et Lu, si je les avais correctement entendus -, d'une certaine manière, leur relation ne m'était pas inconnue. Certes, leurs actions respectives l'un envers l'autre relevait un peu du comique, mais il y avait une dimension supplémentaire que je n'arrivais pas à saisir. Avais-je connu ce genre de choses, moi aussi ? ...nouvelle question sans réponse.
Une fois Wakka parti, la femme se tourna à nouveau vers moi. Je gardais un mutisme quasi-total, ne sachant comment réagir. Se méfiaient-ils de moi ? Possible, et il y avait de quoi, habillé et équipé comme un tueur. J'aurais peut-être dû retirer et cacher mon équipement avant de me montrer. Trop tard, maintenant...Avec un regard et un ton cependant plus doux que l'ordre qu'elle venait de donner, Lu continua :

- Je ne sais pas pourquoi mais tout cela me paraît bien trop familier... Enfin, puisqu'apparemment vous me semblez sincère, je ne vais pas vous harceler de questions. Vous serez le bienvenu parmi nous pendant autant de temps que vous le souhaitez... et avec un peu de chance quelques souvenirs vous reviendront peut être... venez, suivez moi montons un peu sur la colline rocheuse, je pense que nous y serons plus tranquilles. Les villageois viendront vous aborder si nous demeurons ici car nous n'avons pas l'habitude d'avoir des visiteurs, ce qui fait que chaque nouveauté du jour est sujette aux pires ragots.

Je sentis mes yeux réagir d'eux-mêmes dès le début de ses paroles, avant de me forcer à reprendre contenance. Il était donc possible qu'une raison évidente soit derrière tout ceci - et si il y avait effectivement déjà eu des cas d'amnésie antérieurement, un remède devait exister, ou une thérapie, et que sais-je encore. J'acquiesçais en silence devant la proposition de Lu ainsi que la raison qu'elle me donnait, bien que je soupçonnais un autre facteur. Voulait-elle me tester et m'emmener à l'écart ? Pourquoi pas, je n'avais rien à perdre après tout, ce qui n'était visiblement pas son cas. Elle avait raison de se montrer méfiante à mon égard.
Je lui emboitais ensuite le pas vers la sortie du village, brûlant à la fois de curiosité et de l'envie d'exprimer ma gratitude.

- Merci beaucoup, vous n'y étiez pas forcée. J'espère que je ne pose aucun souci. Et de toute façon, je partirais d'ici dès que possible. Si je le peux, j'aimerais aussi me rendre utile, si ça ne vous dérange pas.

Le chemin devait mener à la colline surplombant le village et une partie de la plage; j'étais passé un peu plus tôt par cet embranchement, mais ayant entendu les bruits des habitants, je l'avais ignoré. Ce serait aussi l'occasion de faire une petite reconnaissance, voir où j'avais atterris. Le vent salin ne parvenait plus jusqu'à nous, bloqué par le barrage que les arbres offraient. Une fois plus haut, ce dernier reviendrait peut-être.
Pourquoi est-ce que je tiens à cet air salin ? Suis-je un marin ? Ou au contraire, est-il trop rare pour moi ?
Pourquoi me noyer dans des questions ? Je ne savais de toute façon pas la réponse. C'en était de l'acharnement. En même temps, c'était la seule chose qui m'obsédait en cet instant. Relevant le regard, que j'avais laissé sans m'en rendre compte se perdre sur le sol, je jetais un discret coup d'oeil à celle aux côtés de laquelle je marchais. Peut-être avait-elle toute les réponses à mes questions.

- Visiblement vous devez avoir un lien avec les Al Bheds étant donné la makina qui siège sur votre cuisse... mais pourtant vous n'en êtes pas un vous même puisque vos yeux sont aussi rouges que les miens...
-…

Al Bheds, Al Bheds, Al Bheds…
Je me répétais obstinément ce nom étrange, dans l’espoir que sa sonorité évoque quelque chose dans mon esprit endommagé. Rien. Et makina ? Encore moins…

- Je regrette, tout ça ne me dit rien…

Une seconde. De quelle couleur a-t-elle dit que mes yeux étaient ?

- Rouges ? Mes yeux sont…rouges ?

Comme incapable de croire ses dires, je dégainai l’arme reposant dans mon holster et y étudiai mon reflet attentivement ; ce dernier me toisais intensément de ses prunelles vermeilles. Je restais un moment sous le choc, mais parvint à garder mon calme. Relevant les yeux, je fixais alors intensément ceux de mon interlocutrice, avant de poser enfin la question qui me brûlait les lèvres depuis plusieurs minutes.

- Vous avez dit que la situation était familière. Pourquoi ? Y-a-t ’il eut d’autres amnésiques avant moi ? Est-ce qu’ils ont été guéris ?

De mon point de vue, je sentis que j’avais posé d’un coup trop de questions, trahissant ma panique. Pourtant, mon ton avait gardé cette grave neutralité, imitant presque celui de Lu. Etait-il possible…qu’elle ait un lien avec moi ? Ses cheveux, ses yeux…qui était-elle ?
Et, plus important encore pour moi, qui étais-je ? Pouvait-elle seulement me le dire ?

[ C'est un peu compliqué, en fait Tidus a débarqué à partir d'une grotte sous marine ou il était attaqué par un monstre, et c'est Wakka qui l'a trouvé. Comme il ne connaissait rien à ce monde puisqu'il vient d'une cité détruite depuis 1000 ans, il a feint l'amnésie... qui est effectivement un effet secondaire des expositions aux toxines de Sin. De la sorte il avait les explications sur ce qui l'entourait sans être suspect ^^ Donc oui les perspectives sont très larges !)

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Je n'aurais jamais cru un beau jour revoir quelqu'un se prétendant amnésique débarquer à nouveau... et encore moins après la disparition définitive de Sin. Mon bon sens me disait que de deux choses l'une: soit il s'agissait d'une blague de mauvais goût destinée à lancer la panique dans ce qui était une petite communauté, soit c'était un bien habile stratagème pour ne pas devoir payer le gîte. Cependant mon instinct parlait plus fort, me disant de ne pas juger trop vite. Après tout avec Tidus je m'étais bien trompée et les événements m'avaient prouvé que ce gamin immature avait un peu plus de valeur qu'il n'y paraissait. Et puis d'un certain côté, ils avaient l'air débarqués de Jupiter autant l'un que l'autre...

Prenant la direction que j'avais auparavant annoncée afin qu'il ne soit pas encore plus dépaysé, je l'observais en catimini pour tenter de me faire une idée sur ce qu'il pouvait bien cacher. J'étais assez déconcertée, car malgré tous mes voyages je n'avais jamais vu ce genre d'accoutrements, pas plus que... ce genre de gants et de bottes étranges. Était-ce une sorte de prothèse pour des membres perdus? Je ne savais pas et j'étais un peu frustrée qu'il ne puisse pas non plus répondre à ces questions. Mais si tel était le cas, ce qui me semblait le plus vraisemblable, il avait du être exposé à Sin à un moment ou à un autre. Fermant les yeux pour contrôler un flot d'horreurs qui me vint à l'esprit d'une manière violente, je tentais de les refouler le plus loin possible. Avoir assisté à cette opération des bannisseurs s'étant fait pulvériser en grand nombre par la puissance destructrice du monstre marin était traumatisant, surtout pour moi qui n'avais rien pu faire d'autre qu'assister Yuna sans pouvoir user de ma magie étant donné que je ne peux pas soigner par ce biais. Nous avions travaillé jusqu'à l'épuisement cette nuit là... pour bien peu de résultats. Ré-ouvrant alors mes paupières pour dévoiler des prunelles sanglantes et mélancoliques, j'entendis la question de cet homme que je ne savais même pas comment appeler.

- Ne vous en faites pas, nous recevons rarement de la visite mais nous aimons le faire aussi bien que possible lorsque la chance nous en est donnée. Je ne peux pas vous garantir le grand luxe, seulement d'être bien nourri et d'avoir un bon lit chaud ce soir. Comme vous l'avez remarqué nous sommes tous de condition modeste... Pour ce qui est de vous rendre utile, il n'y a pas beaucoup d'occupations en réalité si ce n'est la pêche ou le blitz. Les monstres eux ne nous posent pas vraiment de soucis depuis un moment alors j'ose croire qu'il n'y a pas de raisons que cela change.

Je lui indiquai de la tête la vue panoramique du paysage, qui laissait voir les habitations simples du village ainsi que les falaises interminables léchées par la mer à ses pieds. Un garde fou solide se dressait pour éviter les accidents, surtout que les enfants jouaient un peu partout sans trop faire attention. Et dire que Vidin aussi finirait par gambader allégrement, suivant sûrement par suivre son père partout... Connaissant Wakka le cadeau pour son premier anniversaire serait sûrement une balle de Blitz... Souriant légèrement à cette idée, je fis une remarque concernant l'apparence peu rassurante de cet homme, qui me répondit par un silence de mort ne pouvant signifier qu'une chose: il ne comprenait rien à ce que j'évoquais. Il finit par confirmer mon impression avant de finalement sembler paniqué à l'idée que ses yeux aient cette couleur si particulière. Ne comprenant pas trop la raison de cette réaction j'haussai un sourcil. D'accord c'était peu courant, mais j'étais bien la preuve que cela existait sans que cela soit maléfique... et puis il y avait Paine aussi.

- Pourquoi est-ce pour vous si choquant comme couleur de yeux?

Je contemplai son arme un instant, réfléchissant ardemment à ce que je voyais. C'est vrai que ce n'était pas mon domaine en temps normal, mais le fait est que cette chose métallique me fascina. C'était une makina à n'en pas douter... mais il y avait quelque chose de différent. C'était bien certainement quelque chose qui y ressemblait et j'en avais vu bien assez pour le savoir, mais c'était plus élégant, plus raffiné... Et ce pendant qui y était accroché m'intrigua assez pour que je me permette de le recueillir quelques instants au creux de ma paume blanche.

- Un chien à trois têtes? C'est un indice certain, surtout que je n'ai jamais rien vu de tel. Cela ne vous rappelle rien? - je pris une pause, le regardant alors dans les yeux avant de poursuivre.
Familier oui, parce qu'il y a à peu près deux ans un jeune homme est arrivé au village... Il était bizarre et ne se souvenait pas des principes les plus élémentaires de la vie sur Spira... même pas de la prière yevonite pourtant rituelle depuis toujours. Son histoire est longue et compliquée... mais l'important est de savoir que les raisons de votre amnésie peuvent être très inquiétantes. Je suppose que le nom de « Sin » ne vous dit rien non plus... Bon, je m'explique. Sin est un monstre immense qui a ravagé le monde entier, anéantissant des villages entiers en quelques minutes à peine, ayant tué énormément de monde... Plus de morts que nous ne pouvons en pleurer. C'est lui qui nous a rendus orphelins, Wakka et moi. Heureusement désormais il n'est plus car le cycle de ses réincarnations a été brisé il y a deux ans. J'ai fait partie de l'expédition qui l'a éliminé... avec 6 autres guerriers. Comme je vous l'ai expliqué, cette créature gigantesque libérait des toxines capables de rendre les victimes inconscientes, malades ou amnésiques. Aucun remède efficace n'est connu... Mais plus que votre mémoire, ce qui m'inquiète est de savoir ce qui l'a causée. Si vraiment il s'agit d'autre chose qu'un choc à la tête ou quelque chose du genre... alors nous avons des soucis, de très gros soucis.

J'étais inquiète et je ne le cachais pas... Surtout que je pouvais paraître paranoïaque étant donnée la vitesse de raisonnement de laquelle je faisais preuve, seulement le fait est que le temps et les événements m'avaient rendue comme ça. Lorsque nous avions découvert lors du pèlerinage que l'église et les préceptes n'étaient qu'une farce, je m'en doutais déjà depuis un moment. J'avais voulu éviter de lancer des doutes dans des esprits purement pieux comme ceux de Wakka, mais le fait est qu'à posteriori j'avais regretté de ne pas avoir partagé mes soupçons. Désormais j'avais changé sur ce point. Quitte à partir dans toutes les directions, autant le faire bien et envisager toutes les possibilités, même celles qui ne m'enchantaient pas, pour user d'un bel euphémisme. Je n'imaginais même pas la vague de panique si les gens apprenaient que l'Éternelle Félicité n'était pas si éternelle que l'on ne le pensait... ce serait une catastrophe.

- Je suis désolée de vous demander ça car si cela se trouve le processus sera douloureux, mais j'ai besoin de savoir depuis quand vous avez pris conscience que vous n'aviez plus de souvenirs, j'ai besoin que vous me racontiez ce qui s'est passé aussi loin que vous puissiez le remonter... Avez vous des flashs, des objets ou des noms qui vous semblent familiers, quelque chose?

Je laissais s'échapper un soupir. Finalement, ce n'était pas vraiment ce que j'avais espéré. Mais cela pouvait peut-être combler certains vides, comme le fait que je sois armé. Me serais-je battu contre ce monstre, appelé "Sin" ? Si c'était le cas, ne devrais-je pas être couvert de blessures s'il avait fallut six combattants pour en venir à bout ? Non, ça ne m'aidait pas vraiment, au final...bien que je comprenais l'inquiétude de Lu. Si j'avais vraiment affronté Sin, alors un fléau serait revenu d'entre les morts. Et mes yeux...oui, ils étaient rouges, tout comme Lu. Pourquoi est-ce que cela me choquait à ce point ? Etrange sensation...

- Pardonnez-moi. C'est juste que, il me semble avoir l'habitude de voir des yeux bleu, ou verts. Je ne pensais pas au rouge comme à une couleur "normale"...

Et d'ailleurs, qu'est-ce que le normal ? Peut-être arriverais-je à faire lumière sur mes origines en procédant par élimination, comme avait commencé Lu. Je ne venais donc pas d'ici, sinon on m'aurait reconnu. Pas non plus Al Bhed, avec une référence à mes yeux. Je devrais probablement demander une carte ainsi qu'une description des populations locales, mais c'était peut-être trop demander.
Je vis ensuite Lu dévisager ostensiblement mon arme, qui m'apparaissait curieusement familière une fois au creux de ma main. Pris de curiosité moi aussi, je l'étudiai minutieusement, avant de m'amuser à le faire tournoyer autour de mon index - dans les deux sens, ce que je fis avec une adresse remarquable. Le petit emblème qui pendait au bout de la chaîne métallique tournoya lui-aussi, ses têtes se démultipliant sous la vitesse. Quand je m'arrêtai, Lu pris ce dernier dans sa main, qui étincela sous la lumière éblouissante du soleil.

- Un chien à trois têtes? C'est un indice certain, surtout que je n'ai jamais rien vu de tel. Cela ne vous rappelle rien?

Son regard profond plongea dans le miens, la recherche de la moindre réaction. Ne sachant pas si c'était ce à quoi elle s'attendait, je lâchai la première chose qui me passa par la tête.

- Excepté le monstre mythique Cerberus, non, absolument rien. Désolé.

Puis mon guide développa l'histoire de ce premier amnésique dont elle avait fait mention plus tôt. Tidus...non, le nom ne me disait absolument rien non plus. Ensuite, Spira. Le nom de cette contrée, probablement ? Quoiqu'il en fut, ça me semblait tout aussi étranger à mes oreilles. Sans parler de la prière Yevonite...et, nouvelle peu réjouissante, aucun remède si la bête monstrueuse était la source de mon amnésie. Autant écarter la piste de Sin, et se concentrer sur l'hypothèse du trauma physique ou...psychique.
Mais pour ces deux cas, la guérison était loin d'être garantie, excepté peut-être par l'hypnose, ou par simple "miracle". Rester assis sans rien faire n'était pas une option qui me mettait à l'aise, mais je soupçonnais bien que quelqu'un dans le village était rompu à l'hypnose.

Mais la perspective que le monstre Sin soit revenu à la vie inquiétait aussi visiblement mon interlocutrice, au point que le calme olympien qu'elle avait affiché jusqu'à présent commençait presque à se fissurer, laissant se dessiner une ou deux rides sur son front. Ce n'était peut-être pas la meilleure chose à faire, mais inquiéter ceux qui me fournissait un abri me plaisait encore moins, aussi je fis de mon mieux pour rassurer la femme en noir.

- Ecoutez...je ne sais pas si je me suis battu contre ce monstre, mais si c'était le cas, ne devrais-je pas être en piteux état ? Je ne suis pas blessé, et comme vous l'avez dit, ce Sin devrait être mort. Et il existe d'autres moyens de perdre la mémoire. A ce propos, connaissez-vous quelqu'un maîtrisant l'hypnose ?

Je doutais que cela puisse la rasséréner d'une quelconque manière, mais au moins dirigeais-je son attention sur quelque chose d'autre. Puis j'acquiesçais en silence devant sa proposition, et me mis à fouiller ma mémoire aussi loin qu'il m'était possible d'aller.
Des flashs...pas vraiment. Rien ne me venait non plus spontanément : normalité ? Comment pouvais-je définir ma "normalité" ? Je me sentais déjà différent en tout point à tout ce que j'avais découvert pour l'instant, mais sans pouvoir déterminer exactement pourquoi...
Et puis, ce terme, makina...ne voulait-elle pas plutôt dire machine ? Et des noms...des noms connus, de personnes que je connais. Comment est-ce que je pouvais le savoir ? A moins de m'entendre dire ces noms, je ne pensais pas pouvoir me souvenir de quoi que ce soit.

- Je...ne sais pas. Aussi loin que je me souvienne, je me suis simplement réveillé sur la plage, à quelques pas de votre village. Rien avant ça. Je ne me souviens vraiment de...rien...

Non, peu importais avec quelle force je me concentrais, ou l'effort que j'y mettais, impossible d'avoir le moindre indice. Je n'avais que mes vêtements, mon arme, et moi-même. Je m'approchai alors du bord de la falaise sur laquelle nous étions montés, et me penchai pour en voir la base. Avec une légère surprise, je parvins à distinguer parfaitement mon reflet dans l'eau, qui me rendait mon regard. Mes cheveux étaient d'un noir profond, sans pour autant tendre vers le bleu. Dessous mon bandeau, mon visage obstinément inexpressif paraissait malade tant il était pâle. Et mes yeux...
Je me tournais à nouveau vers Lu, et l'observai elle aussi avec attention. Ses vêtements semblaient aussi chauds que les miens, et capable de rivaliser avec moi si on prenait en compte le nombre de ceintures. Ses yeux rouges, ses cheveux de jai...et cette peau de nacre, malgré le fait qu'elle vive dans un endroit aussi ensoleillé. Les ressemblances se multipliaient.

- Puis-je vous poser une question indiscrète ? D'où venez-vous ?

Peut-être avais-je été un peu trop franc. Elle était orpheline, à cause du monstre dont elle semblait avoir si peur. Je n'avais pas pensé un seul instant que je pourrais ramener à la surface des souvenirs douloureux...j'aurais dû attendre avant de lui demander. J'étais un parfait inconnu pour elle, et qui plus est, avec un air assez inquiétant. De quel droit me permettais-je de lui poser des questions sur sa vie privée ? Non, j'avais juste commis une erreur, à cause de mon inattention... et légèrement gêné, je rajoutai un peu précipitamment :

- Pardonnez-moi, je vous pose trop de questions. Je ne voulais pas être aussi...direct. Ne répondez pas si ça vous dérange.

- Il serait bien difficile de vous en vouloir pour cela, mais... Appelez moi Lulu, je crois que me vouvoyer m'apparait comme une marque de distance ou de respect pour les aînés, mais à vous voir nous devons avoir plus ou moins le même âge. L'habitude des yeux bleus ou verts... c'est relativement commun et le nom d'Al Bhed ne vous dit rien, c'est assez déroutant de commencer des recherches sans pistes.

Oui il me semblait d'après son apparence qu'il devait avoir le même âge que moi plus ou moins... la vingtaine approchant la trentaine peut être, mais guère davantage. Le vouvoiement pour moi était désuet, surtout que malgré le fait que j'ai des manières irréprochables et que j'aie à plusieurs reprises côtoyé des grandes gens, je n'en demeurais pas moins une villageoise, malgré ma mentalité et mes habits en décalage. Je me sentais certes intriguée, mais en même temps intéressée par cet inconnu qui malgré son amnésie avait un charisme certain et un calme intérieur surmonté d'une froideur qui me changeait des investies enthousiastes et presque démesurées de Wakka. Je ne sais trop pourquoi j'eus le réflexe de dire qu'il aurait sûrement plu à Sir Auron également... mais rapidement la nostalgie d'un autre temps me gagna. C'était quelqu'un que j'avais peu connu mais beaucoup apprécié, car il était avec moi la tête pensante de notre groupe expéditionnaire... en même temps que nous n'étions le fer de lance de la puissance offensive. Un guerrier remarquable, qui malgré ses silences et ses secrets avait rapidement gagné mon respect et ma confiance.
Mais Auron n'était pas le seul à savoir manier une arme comme l'extension même de lui même, la démonstration qui fut offerte à mes rétines ne m'arrachant pas un seul mot car ce n'était pas dans ma nature... ce qui n'empêchait pas que mon expression se fasse admirative. Il y avait fort à parier qu'il savait se servir de cette arme avec efficacité, ce qui n'était pas totalement rassurant. Bien sûr nous étions en temps de paix et la théorie du complot pouvait paraître ridicule, seulement la prudence était réputée de sauver des vies, alors que la témérité elle...

- Cerberus hum? Ce nom ne me dit rien, je crois que je n'en ai jamais entendu parler. Vous vous souvenez de son nom, alors ne vous souviendriez vous pas de son histoire? Dites m'en plus si vous le pouvez.

Beaucoup de choses me passaient par la tête en ce moment. Cela allait des thèmes les plus théoriques et scabreux aux détails les plus pragmatiques, comme la manière de le présenter. Devions-nous choisir un prénom de substitution pour le désigner en attendant qu'il retrouve la mémoire? Oui c'était bien possible que ce soit la meilleure solution. Et en parlant de solution... une idée aussi saugrenue qu'inespérée me parvint. J'ai préféré à cet instant la garder bien au chaud afin de terminer cette conversation, mais le fait est qu'elle reviendrait au goût du jour plus tard... regardant la ligne d'horizon d'un air pensif, je me demandais comment se portaient les amis qui siégeaient loin lorsqu'une question du jeune homme m'interrompit dans mes divagations.

- Non je ne connais personne capable de cela... et la seule personne maîtrisant la magie à haut niveau présente en ce moment sur l'île c'est moi. J'ai entendu parler de cet art dans les livres uniquement, mais je ne connais pas assez ses tenants et aboutissants pour prendre le risque de m'y verser. Par ailleurs la maîtrise de votre arme est loin d'être commune, et la seule chose que j'aie rencontrée d'un peu trop près et qui lui ressemble ce sont les makinas des moines guerriers. Elles sont légèrement moins compactes et ont une bonne puissance de tir... Mais ce sont des armements de guerre, et sauf votre respect vous n'avez pas vraiment la dégaine d'un religieux.

Je pris une pause pour réfléchir car il est vrai que je pouvais être d'une franchise parfois désarmante, ce qui conduisait bon nombre de mes interlocuteurs à m'éviter. C'était là tout le paradoxe. Je ne parlais que peu mais je n'étais pas du genre à le faire pour ne rien dire. C'était déjà pour le moins étrange que je décide de maintenir une discussion aussi longue, mais ça le nouveau venu ne pouvait pas le savoir puisqu'il ne me connaissait pas. Me tournant donc vers lui en souriant légèrement à cause de son hésitation, j'acceptai de me montrer sous un jour bien rare. Le sourire aussi mince soit-il était aussi fréquent chez moi que les éclipses solaires...

- Ne vous excusez pas d'être direct je n'ai rien contre cela... Je préfère jouer franc-jeu étant donné que nous sommes il le semblerait, du même côté. J'ai comme l'impression que vous êtes vous aussi quelqu'un de discret qui n'aime pas particulièrement attirer l'attention... ce que je comprends parfaitement. Cependant garder l'anonymat dans un milieu aussi petit ne va pas être aisé, et l'hospitalité flirtant avec l'intromission des villageois risque de rapidement devenir gênante. Alors je vais tenter de répondre à votre question et vous expliquer où je veux en venir en même temps. J'ai très peu de souvenirs de la petite enfance, et le peu qui me reste me vient d'une petite femme aux cheveux noirs se penchant au dessus de mon visage en souriant. Ma mère. Je n'ai pas vraiment de souvenirs de mon père, ou trop flous pour qu'ils puissent être déterminants. Je sais également que d'après ce que m'ont raconté les anciens, mes parents et moi nous avons été attaqués par Sin lors d'une traversée en bateau. C'est tristement classique... Le fait est que l'embarcation a été rompue en deux et tout le monde est tombé à l'eau, séparé par les flots agités par le monstre. Je me souviens des cris, des pleurs... et puis plus rien. Je sais juste que j'ai été accueillie par les villageois, adoptée par tous et élevée comme l'une des leurs. J'ignore ma ville d'origine et le nom de mes parents. Mais désormais il ne sert plus à rien de pleurer des fantômes... Car lorsque j'ai été dans l'Au-Delà je n'ai pas pu voir leurs visages. Voilà pour ce qui est de mon histoire.

Le ton avait été neutre et plein de retenue car je ne voulais pas simuler une tristesse que je ne ressentais pas. Un manque oui sans doute, mais pas de tristesse. J'avais trop peu de souvenirs de ma famille pour pouvoir les pleurer ou bien les faire venir sur les bords de l'Au-Delà, lieu de repos éternel des morts, et occasionnellement lieu de rencontre et de réconfort pour les vivants. Mon but n'était pas d'attirer la pitié, et le fait est que je n'avais aucune, absolument aucune raison de me plaindre de ce qui avait été mon enfance. J'avais fini par devenir l'une des leurs à part entière, et au final j'avais grandi avec du soutien et des amis, même si je n'ai jamais vraiment perdu ce côté profondément réservé et discret depuis lors. Mais il fallait que j'en vienne à des explications concernant mon idée initiale, car c'était surtout cela qui était important. Quelque chose en cet homme me poussait à lui faire confiance et lui donner une chance, étrangement bien plus qu'à Tidus malgré sa sympathie. J'osais croire que c'était une question d'instinct motivé aussi par la grande maturité qui me faisait face... chose rare malheureusement.

- Voici ce que je propose: pour vous donner une couverture efficace qui vous évitera le harcèlement et expliquera en même temps votre venue, je propose que vous vous fassiez passer pour mon grand frère. Vous avez certainement remarqué que nous partageons des traits morphologiques rares, et qui plus est je n'ai pas l'impression que nos caractères soient aux antipodes l'un de l'autre... alors cela me semble une bonne solution. Ainsi je pourrai tenter de chercher avec vous votre vraie identité sans pour autant déclencher les soupçons et les ragots, et qui plus est vous pourrez avoir un accueil d'autant plus dépourvu de méfiance. Qu'en dites vous?

Cerberus...un nom inconnu ? Ne serait-ce que dans une culture populaire, il devait susciter soit l'horreur soit le respect. Comment est-ce qu'un monstre mythologique tel que lui pouvait être ignoré, même dans une contrée éloignée ?
Minute...est-ce que cela signifie que je suis très éloigné de l'endroit d'où je viens ? Peut-être que j'arriverais à quelque chose, finalement...
C'était une piste. Un début de piste presque inexistant, certes, mais une piste tout de même. Rechercher la normalité s'était avérée payante, mais seulement par le plus pur des hasards, malheureusement. Il faudra garder l'oeil - et l'oreille- ouvert, à l'avenir.

- Cerberus est...un immense chien à trois têtes, gardant l'entrée des enfers. Il empêche les vivants d'y entrer, et les morts d'en sortir. Beaucoup le considèrent même comme une représentation directe de la mort, nous empêchant de rejoindre ceux qui nous ont quittés.

Puis je jetai un nouveau coup d'oeil à mon arme. Plutôt lugubre, comme amulette. Se pouvait-il que je sois lié d'une quelconque façon à Cerberus ? Un culte, peut-être, ou bien était-ce simplement un bijou que je m'étais procuré pour son côté esthétique ? Non, au vu du reste de mes vêtements, il devait y avoir autre chose derrière ceci. La question qui restait était : était-ce une bonne chose ? Mieux valait remettre ça à plus tard, je jugerais une fois en possession de plus d'informations. Et en parlant d'informations...
Je prêtai une oreille attentive à Lulu - était-ce son vrai nom, ou un surnom, par rapport à "Lu" ? - qui affirmait être la magicienne la plus puissante de l'île. Cela fut noté rigoureusement dans un endroit de ma mémoire.

Puis, lorsqu'elle me dit que l'hypnose était une option à écarter, je fis de mon mieux pour cacher la pointe de déception qui apparut dans mon coeur. Peu importait, tant qu'il me restait des pistes comme Cerberus. Et si jamais le besoin se faisait sentir, il n'était pas exclu que je parte de l'endroit pour rechercher des informations de par le monde.
Concernant mon arme, il semblait aussi que les similitudes s’arrêtent à un ordre monastique, ce qui me parut ridicule sur le moment. Et à Lulu aussi, si l'on se fiait à sa remarque. Je fus alors pris d'un éclat de rire discret, ce qui s'apparenta à un soupir amusé. Je me regardai alors, l'ombre d'un sourire aux lèvres, avant d'acquiescer.

- Je pense que vous avez raison.

Sourire qui disparut bien vite, une fois que Lulu avait commencé son récit. Je rentrai alors mon visage dans l'immense col de ma cape, ne sachant où me mettre. Comme je m'y était attendu, cette femme avait vécu d'horribles tragédies par le passé. Et pourtant, le fait qu'elle veuille bien le partager avec moi me surprenait. Je ne l'avais pas entendu parler autant, mais pourtant son ton gardait son calme habituel. Pendant toute l'histoire, je restai attentif et calme, continuant de méditer sur ses paroles. Je me sentis à la fois reconnaissant qu'elle ait partagé ses souvenirs avec moi, et aussi un peu perturbé. Me faisait-elle confiance, où essayait-elle seulement de m'aider ? Je n'aurais su le dire. Et à la fin, ce ne fut pas ce que j'avais espéré. Pas de souvenir sur ses origines, ni d'un monde natal quelconque, rien.

Puis, je relevais la tête, surpris.
Grand frère ?
Moi, son grand frère ? Certes, ce serait plausible, étant donné notre ressemblance – sur laquelle j’avais placé quelques espoirs, d’ailleurs – mais comment le faire croire ? Et puis…n’était-ce pas trop intime, ou familier ? Avec une personne qui me connaissait à peine…s’inquiétait-elle à ce point pour moi ? Etrange, comme les choses allaient. Et pourtant, je ne me sentais pas vraiment en danger. La proposition semblait, pour ainsi dire, être une couverture parfaite pour rester au village le temps qu’il faudrait. J’espérais sincèrement trouver un moyen de rembourser une dette que je me sentais contracter envers ce petit village, et Lulu en particulier. Mais chaque chose en son temps.

- Ce serait vraiment…parfait, si je puis dire. Mais comment allez-vous l’annoncer aux autres ? Vous dites n’avoir aucun souvenir de votre famille, et…ne devrions-nous pas jouer une pièce aux yeux de tous ?

Je n’avais pas vraiment d’arguments à avancer, et moins encore lorsqu’il s’agissait de la proposition de Lulu elle-même. Mais je craignais que les villageois ne voient à travers cet écran de fumée. Quoique…si mon séjour restait court, nous ne courions pas vraiment de risque. C’était une option à considérer.
Puis quelque chose se mit à me gêner. Pas quelque chose concernant le fait de devenir le grand frère d’une inconnue pour me couvrir. Il s’agissait de quelque chose que Lulu avait dit plus tôt…qu’avait-elle dit à propos de ses parents, déjà ?

- Et…par « avoir été dans l’Au-delà »…vous voulez dire que vous avez déjà été…morte… ?

La stupidité de la question m’aurait fait sourire si je ne l’avais pas posée avec autant de sérieux. Non, bien sûr que non, lorsque l’on était mort, la logique voulait qu’on le restât, n’est-ce pas ? Mais tout semblait si étrange, sur cette île…peut-être parlait-elle seulement d’une sorte de cérémonie rituelle provoquant un état second, et déclenchant des hallucinations…mais ça ressemblait beaucoup à de l’hypnose. Et à quel niveau s’élevait sa magie ? Avait-elle la même définition que moi concernant ce point ? Il restait encore tant de choses à éclaircir…

Les enfers? Qu'était-ce? Le semblant d'explication qui me fut offerte me laissa très intriguée. Soit il avait complètement déraillé, soit il était lucide mais ce qu'il me racontait n'avait pas de sens du point de vue de la Spira actuelle. J'avais tout de même quelques connaissances au niveau de la mythologie et du domaine du mystique, mais pourtant jamais je n'avais entendu une chose pareille. Et puis Yuna qui avait été jusque dans l'Au-Delà lors de l'épisode de Vegnagun ne m'avait pas parlé d'une bête gardienne. Intriguant, pour le moins qu'on puisse dire. Fronçant les sourcils, je tentai d'assimiler ce que je venais d'apprendre, tout en recherchant dans mes souvenirs quelque chose qui corresponde à cette légende, en vain. Rien ne me venait et encore moins quelque chose de pertinemment semblable.

D'un autre côté l'explication des différentes interprétations ne me rassurait pas du tout. Si il se promenait avec cette arme suspecte et avec pareil symbole de mort, est ce que cela voulait dire que lui même s'identifiait à cette bête monstrueuse? Dans quel sorte de pétrin m'étais-je fourrée en voulant me porter garante de son introduction discrète à Besaid...?? Le bref sourire qui avait bercé mes lèvres s'était déjà évanoui, surtout que désormais j'avais une réminiscence de méfiance qui revenait me hanter. Sans être prétentieuse j'avais conscience de l'étendue de mes pouvoirs de sorcière, mais ce n'était pas pour autant que je le sous estimais. Avec Wakka à mes côtés au village je n'aurais pas de mal à le neutraliser si jamais ça dégénérait... ou du moins c'est ce que j'espérais. Yuna et Tidus étaient partis de par le monde, jouant encore et toujours aux pirates des airs sillonnant le monde entier, et quelque part en ce moment précis c'était assez ennuyeux. J'aurais bien voulu confronter Tidus et cet homme afin de voir si l'ancienne Zanarkand présentait quelque chose de familier aux yeux du nouveau venu. Ce fut alors que je me rappelait de quelque chose. Les priants étaient censés avoir disparu pour avoir enfin le repos, ils avaient donc cessé de rêver et avaient emporté avec eux tout ce que leurs songes avaient créé. Donc logiquement cet homme devait exister réellement. À moins que... Il fallait que j'en aie le cœur net.

Mais avant il fallait que je recueille ses impressions sur mon idée saugrenue, qui loin de mes méthodes habituelles était assez tordue. Je n'aimais pas particulièrement l'idée de tromper tout le monde à son sujet, mais quelque chose me poussait à le faire... d'autant plus que si tous connaissaient son amnésie, je ne pourrais plus tenter de découvrir qui il était vraiment. Et puis quelque chose en lui dégageait une profonde mélancolie, un poids, un fardeau. C'était très loin de l'aura légère et insouciante de Tidus... Ils étaient trop différents. Pour l'instant je ne pensais pas cet étranger comme étant originaire de la Zanarkand d'il y a 1000 ans, mais d'un autre côté si la Grande Félicité m'avait appris quelque chose, c'était qu'il ne fallait pas rester cloitré dans ces certitudes. Poursuivant donc en fichant mes prunelles dans les siennes, je restais lucide autant que possible sur ce que nous pourrions faire ou non:

- Pas vraiment. Nous n'avons pas à feindre nous connaître depuis longtemps puisque mon frère et moi nous petits lors de notre séparation. Si il a échoué sur une autre plage... mettons celle de Kilika, quelqu'un a très bien pu l'accueillir et l'élever. Le plus compliqué reste encore de trouver quelque chose qui lui aurait permis de me retrouver. Hum... mettons ce bijou justement. Je crois que je peux me débrouiller pour couvrir nos arrières, mais il faut pour cela que vous fassiez attention à ce que vous dites. Comme vous ne présentez aucun souvenir de ce monde et tout ce qu'il comporte, le mieux est de rester prudent et de me laisser faire... Au moins tant que vous ne retrouvez pas une partie de vos souvenirs. Je ne suis pas vraiment une femme effusive alors je suppose que vous n'avez pas à craindre des approches tactiles malvenues de ma part.
Ensuite il faut que nous allions au temple, j'ai besoin de vérifier quelque chose...

Je me mettais déjà en marche lorsque je m'arrêtai dans mon mouvement afin d'écouter ce qu'il me disait...

- Bien sûr que non... L'Au-Delà est un lieu de recueillement près de Guadosalam, ou les vivants vont se retrouver et prier. Là bas ils peuvent alors se souvenir des gens qui ont disparu, et ces personnes leur apparaissent pour leur parler l'espace de quelques instants...cela aurait pu être utile pour vous faire retrouver des visages connus, mais malheureusement il faut justement se rappeler de celui que l'on veut voir.

Je me tus quelques instants, me disant que justement cela faisait un long moment que je n'avais pas pu retrouver Chappu, le grand frère de Wakka... mon ex compagnon. Frottant quelques vestiges de poussière et de sable accrochés sur ma robe, je les chassai pour dissimuler mon expression mélancolique. D'ailleurs je regrettais des fois ce temps car le vent tourbillonnant faisait toujours les grains dorés s'infiltrer jusque sur ma seule cuisse nue parée d'un bas noir... Enfin trêve de banalités, je me retournai vers lui pour soulever quelques questions épineuses.

- Hum... Je vous parlerai de plusieurs choses en route, pour peu que vous soyez intéressé ou ayez des questions. Sinon il faudrait que nous nous tutoyons si nous voulons garder une certaine crédibilité, et puis il nous faut vous trouver un prénom...

Je réfléchis quelques instants, tentant de trouver quelque chose qui puisse lui aller et puis surtout qui n'apparaisse pas comme trop familier aux villageois... Alors finalement j'eus une idée qui faute d'être originale, aurait au moins l'avantage d'être exotique.

- Que dites vous de ... Cerberus? Au moins ce nom n'est pas utilisé ici...

Je buvais presque les paroles de Lulu, retenant chaque détail qu'elle laissait échapper. Kilika. Un autre nom inconnu. Mais j'imagine qu'il allait être nécessaire de mémoriser pas mal de choses, et feindre de savoir qui j'étais. Concernant ce point, autant être moi-même. Comme l'avais remarqué Lulu plus tôt, nous étions assez semblables, tant sur le plan physique que mental. A l'évocation du bijou pendant de mon arme, je le regardai un moment, perplexe. Quoiqu'elle puisse avoir derrière la tête, ça ne m'était pas apparu comme évident. Mais, comme elle ne manqua pas de le noter, le mieux restait pour moi de parler au minimum. Autant éviter les confusions, voire des versions qui ne s'accordaient pas, si jamais je me retrouvais séparé de Lulu.

Une minute. Je n'allais pas non plus rester à ses côtés vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Qu'allais-je faire une fois laissé à moi-même ? Chercher des indices sur ma personne restait la possibilité la plus importante. Mais je n'allais certainement pas rester cantonné à ça...je verrais ceci en temps et en heure. Déjà, nous avions pas mal de choses à gérer, comme me construire des souvenirs ou une identité de substitution, jusqu'à ce que je retrouve mes souvenirs. Un endroit très éloigné de cette île serait parfait, le plus reculé possible. De cette manière, il serait plus difficile de me percer à jour. Peut-être que cette Kilika répondait à ces critères ?

- Très bien. Nous devrons trouver quelque chose de crédible, dans ce cas. Pourrez-vous me parler de cette "Kilika", plus tard ?

Puis je lui emboitais le pas, acquiesçant silencieusement. Un temple...? Je n'avais aucune idée de ce qu'elle voulait vérifier, mais je n'avais rien à perdre. Et je ne me sentais pas vraiment en danger non plus. Ce qui n'empêchais pas de garder l'oeil ouvert, juste au cas où...
Et concernant l'Au-Delà, la définition qu'elle m'en donna confirma mes soupçons : nous ne parlions pas de la même chose. Et, chose surprenante, je pensais avoir vu juste concernant un éventuel rituel provoquant un état second...mais je m'abstins de juger hâtivement. Peut-être qu'il existait vraiment un endroit où l'on pouvait voir ceux qui étaient tombés. L'idée en elle-même me paraissait saugrenue, mais pas étrangère pour autant...devais-je y voir un signe ? Ou plusieurs ? Il fallait garder ces choses en tête pour plus tard.
Puis, nous commençâmes à créer mon identité. Incarner quelqu'un que je n'étais pas ne m'apparaissait pas non plus impossible. Quand elle proposa une idée de prénom, je ne fus qu'à moitié surpris.

- ...Cerberus...? C'est un peu lugubre, mais si ce n'est pas commun, ça devrait justifier mon ignorance sur quelques us et coutumes. Ca devrait aller. Il me faut aussi une sorte de point de départ, là où l'on m'aurait recueillit...quelque chose d'éloigné et inconnu devrait faire l'affaire. Ajoutons une sorte d'itinéraire pour me faire arriver jusqu'ici, qui ne passe pas par de grandes villes ou routes connues. Il nous faudrait une carte pour ça, et je devrais apprendre votre géographie par coeur, en plus de m'initier à quelques autres choses élémentaires de la vie locale. Si vous les savez, j'aurais aussi besoin de quelques détails concernant les régimes politiques et commerciaux en place. Je devrais aussi pouvoir me faire des habits plus légers, afin de ne pas trop attirer l'attention.

Je débitais tout un tas de demandes sans m'en rendre compte, d'une voix moins terne et plus ferme. Je savais que j'avais besoin de ces informations pour me créer une identité. Le terme lui-même m'était familier, mais je ne m'en rendais pas même compte. Une sorte d'automatisme s'était emparé de moi, et je me mis à chercher quelque chose machinalement de la main gauche, à ma ceinture. Lorsque je compris que je n'avais jamais autant parlé depuis ma prise de conscience, je m’interrompis. Puis, je remarquai que je tenais quelque chose dans la main. Je mis un moment à interpréter ce que je voyais, puis une immense vague d'adrénaline me traversa le corps.

- Un téléphone portable...?

J'ouvrais l'appareil. L'écran était éteint. D'un geste automatique, j'appuyais sur un des boutons, qui, je le savais maintenant, devais l'allumer. L'écran s'obstina à rester éteint.
Forcément. L'eau à dû perturber les circuits. Si en plus l'eau est salée, il risque d'y avoir de gros dégâts. J'essaierais de le réparer plus tard.
Je refermai ce dernier, un mélange confus de déception et d'espoir en moi. Si j'arrivais à le faire marcher, il y avait des chances que je trouve dans mon répertoire des noms familiers - et je pourrais peut-être même appeler.

- Désolé. J'ai cru un instant que je détenais la clé de qui j'étais. Vous ne sauriez...pardon, tu ne saurais pas où je pourrais le faire réparer ? L'eau a dû l'endommager...

L'utilisation du tutoiement faillit m'écorcher la langue. Je n'étais manifestement pas habitué. Et je ne me sentais pas assez proche de Lulu pour m'en servir. Excepté qu'elle était "ma seule famille", pour l'instant. Je devais donc faire avec.

J'imaginais un peu difficilement à quel point cela devait être déroutant de perdre tous ses repères et de ne plus connaître des détails de sa vie aussi basiques que son nom et ses origines, mais après tout ce n'était pas non plus mon rôle de me proposer en tant que confesseur. Je n'étais pas là pour ça et à vrai dire je n'étais même pas sûre d'être en train d'agir comme je le devrais... mais le fait est que pour l'instant je n'avais que peu d'indices concernant cet homme étrange qui je l'aurais presque parié cachait d'innombrables secrets. Peut être que c'était justement le moment d'en savoir plus tant qu'il les recherchait lui aussi car ensuite... ensuite il serait certainement amené à partir en emmenant tout ce qu'il savait avec lui.
Je ne savais pas encore comment je pourrais le couvrir surtout en connaissant le tempérament gentil mais très curieux de Wakka. Cependant l'idée de lui mentir ne me ravissait pas, et je pondérais sérieusement de le mettre dans la confidence. Après tout c'était mon compagnon, le père de mon enfant, un homme bon... trop bon peut être. Disons qu'il y a plus ou moins deux ans il avait protégé Tidus envers et contre tous, le présentant au village comme un naufragé alors que lui même avait des doutes concernant sa provenance. Qui croirait un déluré prétendant être de Zanarkand à l'époque? Personne, et pourtant... Alors j'avais bien le droit de faire de même puisque je l'estimais juste.

- Oui... Kilika est comme Besaid un territoire de petite étendue, avec des proportions d'un village... Kilika est bien plus grande que Besaid et est réputée car il s'agit d'un des lieux de l'ancien pèlerinage des invokeurs... Avant que vous ne posiez la question, les invokeurs sont les seuls personnes capables de mettre fin à Sin. Ce sont des mages très fort capables d'invoquer des créatures très puissantes, les Chimères. Cependant ils ne sont pas des guerriers et sont assez fragiles, alors ils ont besoin d'une sorte de garde rapprochée, les Gardiens. J'ai fait partie des Gardiens qui ont mis fin à Sin de manière définitive... Ou du moins ce que nous espérons être définitif.

Je n'osais pas me montrer aussi catégorique qu'avant à ce sujet, car la présence de cet homme m'avait troublée au plus haut point à cause des conclusions que l'on pouvait en tirer. J'étais bien sûr fière d'avoir fait partie de cette expédition légendaire... Mais en même temps je ne me couvrais pas du tout d'honneurs. Je n'avais fait que remplir mon rôle de grande sœur de cœur envers Yuna, en même temps que je mettais mon don inné pour la sorcellerie au service de Spira toute entière. Je ne pouvais être que soulagée de ne pas être restée dans l'échec de mes deux pèlerinages précédents, l'un se soldant par l'abandon, et l'autre par la mort de celui que je devais protéger.
Descendant alors la colline pour revenir au point de départ, à savoir le village... je priai tout bas pour que les villageois soient occuper à déjeuner à l'heure qu'il est. Avec un peu de chance tous seraient à l'intérieur des huttes et ne se rendraient pas compte que deux personnes dont un inconnu se dirigeaient vers le temple. Le temple... lieu de culte et de prière, de recueillement et surtout de formation pour les jeunes invokeurs désirant se faire confirmer. Comme par tradition chacun d'entre eux se faisait former dans le temple son village d'origine ou le plus proche, ce qui a l'époque de Sin garantissait un certain nombre de visites à périodes régulières. Mais désormais il n'y avait plus rien de particulier à Besaid si ce n'est son paysage luxuriant et son climat tropical...

- Cela ne sonne lugubre que pour vous qui savez ce que cela signifie... pour tous les autres cela sonnera étrange tout au pire, inhabituel sûrement. Pour ce qui est de votre point de départ, je pense que vous... tu peux prétendre avoir naufragé à Kilika et avoir intégré la Ligue des Jeunes. Cela expliquerait ta formation militaire et bien évidemment ton arme. Je... te parlerai de ce mouvement et de tout le reste une fois que nous serons à l'abri des oreilles indiscrètes. Pour ce qui est des vêtements... je vais m'en charger je reviens.

Une fois que nous fûmes arrivés à la place du village, je m'écartai de quelques mètres sur la gauche et pénétrai dans l'une des huttes en retrait, m'entretenant quelques secondes à peine avec celle qui était l'une des seules marchandes du coin. Les textiles de Besaid avaient maintenant une certaine réputation, non seulement pour leur beauté artisanale mais aussi pour leur confort... Ce qui fort heureusement me donnait une certaine facilité à trouver ce qui pouvait servir. Je prétextai que je voulais en faire cadeau étant donné que ces vêtements d'homme n'étaient pas du tout adaptés à la carrure importante de Wakka, et fort heureusement comme je me montrais pressée, la vendeuse que je connaissais bien ne me posa pas plus de questions. Ce n'était que partie remise je le savais, mais bon...
Ressortant donc avec dans les bras une tenue locale la plus discrète que j'avais pu trouver, à savoir un ensemble d'un pantalon noir et une chemise légère rouge foncé, je les gardai avec moi sans les lui tendre. Le plus simple était encore qu'il se change dans l'une des pièces privées dans le temple, ce qui le mettrait je l'espérais dans des conditions moins contraignantes. Lui faisant donc un signe de tête je lui signalai discrètement que tout se passait bien, et le rejoignis un peu plus loin pour le guider vers la plus grande bâtisse des environs, le seul bâtiment digne de ce nom et le seul aussi à être fait de pierre. Une matière de la blancheur la plus pure malgré les éléments, d'où l'on sentait de loin une atmosphère apaisante. J'avais pour habitude de venir me balader ici quand j'avais besoin de m'évader, car les anciens disaient que les chants du priant pouvaient bercer tous les cœurs blessés.

Je soulevai légèrement mes jupes pour monter les quelques marches, et finalement avec respect et presque solennité, je poussai les lourdes portes de pierre sur lesquelles étaient gravés de nombreux symboles. Une fois à l'intérieur ce fut comme si un autre monde nous attendait, loin du bruit des animaux et de la chaleur ambiante. Ici il faisait toujours frais, la lumière était moins agressive que celle du soleil, et en plus de la grandeur des lieux, on pouvait distinctement entendre le chœur des priants. Je n'avais jamais compris comment même après leur disparition on continuait d'entendre leurs voix, mais après tout cela faisait partie des mystères insondables des lieux. Quatre grandes statues se dressaient là, deux de chaque côté de la porte principale située en haut d'un grand escalier. Deux autres petites portes se tenaient sur les ailes est et ouest du temple, destinées à l'usage des religieux ou des visiteurs. Parlant moins fort je m'adressait alors à « Cerberus », lui tendant les vêtements glanés plus tôt.

- Voilà... je crois que ce n'est pas trop ton style habituel mais c'est le mieux que j'ai pu faire. Je pense que la taille doit être correcte, et puis j'ai gardé le noir et le rouge qui apparemment sont tes couleurs de prédilection. Tu peux te changer dans l'une de ces pièces, personne ne viendra te déranger... Je t'attendrai ici...

Les yeux légèrement figés sur l'une des statues, je regardais la réplique fidèle de Lady Yunalesca... une femme magnifique aux longs cheveux libres agités par le vent... théoriquement la première invokeur connue, et la première à avoir mis fin au règne de terreur de Sin. Mais loin de s'écarter du Péché, seuls Yuna et les Gardiens qui l'avaient accompagnée savaient combien cette femme adulée n'avait été qu'une supercherie. Cette femme revenante que nous avions nous mêmes tué de nos mains, mettant ainsi fin aux derniers soubresauts de foi croyante qui nous habitait. Lutter contre le choc n'avait pas été chose facile... Et pourtant, pourtant nous avions triomphé, et du garder le silence pour ne pas encore plus décevoir les habitants de Spira qui étaient déjà trop chamboulés par les changements.

Au fur et à mesure que j'en apprenais plus sur ce monde, je me sentais proportionnellement de plus en plus étranger. Rien ne m'était familier...mais à entendre Lulu, cela n'était peut-être pas plus mal. Peut-être ma mémoire recelait-elle aussi des souvenirs aussi durs et douloureux que ceux que ma bienfaitrice partageait avec moi. Avais-je la même lueur que cette dernière dans le regard ? Se pouvait-il que cette mélancolie inhérente à ma nouvelle soeur fasse tout autant partie de moi ? C'était comme de faire face à nombre des effets d'une boîte de Pandore...nul ne savait ce qu'elle contenait, et il se pouvait que ce soit quelque chose d'horrible. Mais je sentais au fond de moi qu'au moins une chose de très importante se trouvait quelque part dans les méandres de ma mémoire : mon identité.

Et si jamais tragédies j'avais vécu, il devait sûrement y avoir des personnes que j'avais connues dont je ne voudrais certainement pas oublier l'existence, comme devait le faire Lulu - du moins était-ce ce que je supposais. Non, décidément, je trouvais toujours des arguments qui justifiaient que je cherche à retrouver ce que j'avais été autrefois. Mais pour l'instant, la nécessité était de me fondre dans ce village, pour cacher mon amnésie et bouger avec plus de libertés. Je buvais donc chacune des paroles de Lulu, les assimilant du mieux que je pouvais. Invokeurs, donc...des mages. Lulu avait dit maîtriser la magie, mais elle n'en était pas une elle-même...? Peut-être pourrais-je lui poser des questions sur le sujet plus tard. Je m'en retenais, car à nouveau la mention de Sin sembla la plonger dans de sombres pensées. L'idée l'obsédait...mais si ce monstre était vraiment le fléau dont elle parlait, alors il était normal qu'elle s'inquiète à ce point.

J'acquiesçais donc en silence, alors que nous redescendions le chemin que nous avions emprunté plus tôt. Pour m'emmener dans ce "temple", sans doute. Attentif, j'écoutais ce que j'allais dorénavant être. Mon nom serait donc Cerberus...pour quelque étrange raison, cela ne me dérangea pas plus que ça. Mais la notoriété de Kilika me gênait quelque peu. Le fait que c'était un village, même plus grand que Besaid, supposait que de nombreuses personnes se connaissaient. Et il faudra que j'en apprenne plus sur cette ville. Quant à ce mouvement, la Ligue des Jeunes...eh bien, je devrais faire avec. J'espère ne croiser personne venant de ce mouvement, qui risquerait de me confronter. Quand Lulu partit à la recherche des vêtements, je fus pour la première fois laissé seul dans Besaid.

Il n'y avait presque personne dehors. Certes, l'impression de vie était omniprésente, mais tout le monde semblait à l'intérieur. Je jetai un coup d'oeil furtif à la hutte dans laquelle Lulu s'était engouffrée. Je me contentais donc de rester planté là, observant le village de plus près. Je n'avais rien manqué plus tôt, si ce n'était le grand bâtiment de pierre qui dépassait de loin toutes les huttes du village. Sa forme était particulière, rappelant vaguement une église...mais rien ne laissait deviner ce que le temple contenait. Bien que, d'après ce que Lulu avait laissé entendre, j'allais très bientôt le découvrir. Et en parlant de cette dernière, celle-ci revenait avec des vêtements dans les bras. Je sentis à nouveau cette sensation désagréable...celle d'être totalement pris en charge. C'est alors que je me demandais si les gils avaient cours ici...car après tout, quel était le meilleur moyen de savoir de quelle partie du monde on venait, si ce n'était par la monnaie ?

Lulu m'intima d'un signe de tête de me diriger vers le temple. J'obtempérais en silence, car, je devais bien l'avouer, j'étais un peu curieux. La roche d'un blanc éclatant qui la composait m'était un peu familière. Un endroit calme, composé de blanc, mais aussi de lumière, et d'eau...était-ce un souvenir, ou une impression ? Peu importa au final, car je ne sentis rien de plus. J'entrai donc à la suite de ma "soeur" dans la bâtisse, jetant au passage un coup d'oeil aux symboles des portes. Rien non plus, mais ce ne fut pas une grande déception. Puis je fus assailli par la fraicheur des lieux, qui pourtant ne fut pas aussi bienvenue que j'aurais pu l'espérer. Malgré mes lourds vêtements, je ne m'étais pas senti étouffé pour autant. Au loin, j'entendis des chants qui ne me disaient absolument rien. Y avait-il de nombreuses personnes ici...? L'endroit me semblait pourtant vide. Etrange. Je fus finalement tiré de mes réflexions par Lulu, qui me tendit les vêtements qu'elle avait pris.

- Merci beaucoup, cela fera parfaitement l'affaire. Je reviens tout de suite.

Le temple paraissait un peu lugubre, de mon point de vue. Sombre, en tout cas. Je m’éclipsais donc en passant par la petite porte à droite des massifs escaliers centraux, qui débouchai dans une petite pièce circulaire. L'endroit était vide, mais de nombreuses babioles étaient éparpillées sur le sol. Je retirai donc pour la première fois mes vêtements, un peu curieux je dois dire. C’était comme se découvrir une nouvelle fois… « dans quel corps ais-je atterris ? » était une question un peu idiote qui résonnait dans ma tête. J’enlevai d’abord ma lourde cape, qui avait comme je le pensais, des épaulières métalliques. Mais alors qu’elles ne semblaient pas peser plus lourd qu’une plume dans mes bras, elles laissèrent quelques petites entailles sur le sol inégal.

Venait ensuite mon gant gauche. Fait du même métal, je sentis chaque anneau se retirer le long de mon poignet. Je fis de même avec mes bottes, et me débarrassai des ceintures qui me cernaient. Quand enfin j’enlevais mon haut, je me sentis étrange. C’était comme si…ma peau respirait pour la première fois depuis longtemps. Elle était d’un blanc presque livide, sans être malade pour autant. Mais j’eus du mal à cacher ma surprise face à ce que je découvris.
Sur tout mon torse se trouvaient des dizaines de cicatrices. L’une d’elle barrait toute ma poitrine en diagonale, et à certains endroits la peau se retrouvait légèrement soulevé ; un doigt passé à ses endroits révélait quelque chose de dur en-dessous, à un endroit où il n’était pas censé se trouver d’os.

Des images impossibles tournaient dans ma tête. Etait-ce des éclats d’obus ? Non, il serait impossible de vivre avec de tels éclats dans le corps. Des dispositifs métalliques ? Pourquoi ? Avais-je perdu des os à cause de blessures très graves ? Non, j’avais l’impression que tout était là…mais alors qu’est-ce que c’était que ça ? La panique commençait à monter, de même que les sueurs froides…Non. Non, la panique ne servirait à rien. Mais alors, qu’étais-je ? Un androïde ? Non, je sentais mon cœur battre, et cela me paraissait hautement improbable. Un cyborg ? Je serais mécaniquement assisté ? Pourquoi ? Ais-je subis une opération, ou bien suis-je une expérience… ? L’idée ne me semblait pas aussi saugrenue que les autres, bien qu’elle fut totalement surréaliste.

J’hésitai alors un instant.
Dois-je en parler à Lulu ?
Pour le moment, je préférais garder ceci sous silence. Je ne voulais pas l’effrayer, ni l’inquiéter plus qu’elle ne l’était déjà. Et je suis certain qu’elle comprendrait ma décision de lui cacher. Avec méfiance donc, j’enfilais ensuite mes nouveaux vêtements. Ceux-ci n’étaient pas aussi usés que les autres, mais restaient confortables. Je remontais par réflexe le col de la chemise, pour cacher le bas de mon visage à l’intérieur. Pliant mes vêtements, je sortis alors retrouver Lulu, qui devait toujours m’attendre dans la salle adjacente. Elle observait la statue d’une femme magnifique. Me plaçant derrière elle, je demandai :

- Qui est-ce ?

Question peut-être un peu futile, mais je me sentais curieux de tout. Comme un nouveau-né…ce qui était vrai, d’une certaine façon. Puis je me regardai à nouveau, prenant garde à ne pas laisser mon torse visible. La chemise était légère, mais pratique. Elle cachait mes cicatrices à la perfection. J’avais fait un ourlet à mon pantalon pour le faire remonter un peu en dessous des genoux, ce qui me semblait être la mode locale, après avoir vu certains des villageois tout à l’heure. Ce qui me rappela quelques petits détails.

- Pourrais-tu m’apprendre quelques us et coutumes ? Je ne voudrais pas paraître maladroit dans une conversation, ou quoi que ce soit du genre…et si tu le peux, pourrais-tu me parler de Kilika et la Ligue des Jeunes ?

La création du grand frère d’une inconnue était en train de se faire. J’étais maintenant Cerberus, de Kilika. Et je venais pour retrouver une sœur que je croyais avoir perdue dans une tragédie, il y a longtemps. Il faudra que je montre que je suis heureux de la revoir vivante…et peut-être travailler mon sourire.

Tout dans ce temple incitait à se retrouver, à se questionner, à trouver son propre équilibre. C'était difficile de continuer à vivre avec cette image aussi forte tous les jours, surtout lorsque comme à Besaid, elle était aussi proche du lieu de vie quotidienne. Ce n'était pas comme si nous pouvions continuer dans le train train habituel tout en ignorant cette bâtisse immense se dressant contre vents et marées. L'église avait été au départ une base paraissant solide alors que le monde entier tremblait pour sa survie et sa pérennité, mais au final lorsque l'on creusait un peu, tout changeait. Les esprits nobles et les gestes altruistes ne l'étaient pas tant que ça, les paroles sages cachaient divers intérêts... le tout n'étant qu'un écran de fumée dissimulant la vérité: Spira était un échiquier géant mêlé à des jeux d'argent et de pouvoir. Keanoc, Trema, Seymour... Tous des charlatans n'hésitant pas à braver les barrières de la mort afin de continuer les œuvres funestes.

C'était regrettable d'en être arrivés là aujourd'hui, de regarder le passé tout en ayant les yeux bien ouverts. Comment ne pas être désenchantée? Même des gens comme Sir Auron, dans la jeunesse quelqu'un de pieux et dévoué à Yevon avait été exclu et excommunié simplement pour avoir refusé un mariage de convenance... Sans parler des invokeurs et de leurs gardiens morts en sacrifice alors qu'il y avait bien un autre moyen de mettre fin au cycle infernal. Yuna elle même était résignée à mourir depuis le début de son pèlerinage, et Wakka et moi avions du accepter qu'elle veuille se vouer à une fin aussi macabre. Après tout c'était grâce à l'espoir et l'entêtement de Tidus que nous avions lutté pour trouver un autre moyen... et rien que pour ça je lui en étais éternellement redevable.

C'était en pensant à tout cela que je regardais les différentes statues des Grands Invokeurs. Toujours immergée dans cette atmosphère pacifiante je m'arrêtai devant celle de Sir Braska et j'ébauchai de mes mains le signe de la prière. C'était un geste machinal, une initiative qui relevait plus du réflexe que de la foi. Je ne savais pas trop pourquoi, mais lorsque j'étais seule ce genre de petites choses était rassurant, surtout lorsque j'avais une pensée pour ceux qui n'étaient plus, comme Sir Auron ou Chappu, le frère de Wakka. Il aurait certainement été plus qu'heureux d'être tonton...
Sursautant alors légèrement au retour de mon récent « frère », je me demandai comment il faisait pour se déplacer aussi silencieusement. Je n'étais pas quelqu'un d'étourdi pourtant... En fait il me faisait presque penser à un revenant, et je l'aurais probablement soupçonné d'en être un si il n'avait pas une aura si différente. Surprise de son retour si rapide mais pas prise de culpabilité car je ne faisais rien de mal, je fermai les paupières un instant pour mettre fin à ma méditation. En me retournant j'étudiai tout de même sa silhouette pour le moins différente grâce à cette tenue, constant aussi que j'avais visiblement le compas dans l'œil pour ce qui était de la taille des vêtements. Par ailleurs il s'était délesté des différents pièces d'armure dorées, qui avaient laissé place à sa main et son pied gauches... Mais on ne sait pourquoi ce fut intriguant à mes yeux et je me sentis curieuse, alors je lui posai quelques questions en retour:

- Vous sentez l'absence de vos protections métalliques, comme si vous les portiez en permanence ou bien est-ce indifférent?

Je m'étais tournée à demi vers lui, regardant à nouveau ces sculptures géantes. Je n'avais jamais su qui était l'artisan capable d'un travail aussi titanesque, et je m'étais souvent posée la question. Il fallait dire que cette statue là, celle de Braska était là depuis longtemps maintenant... Elle avait précédé de peu la petite Yuna qui à 6 ans avait été confiée au village pour fuir la grande Bevelle. Tout cela semblait si loin...

- Cette femme... a une histoire compliquée. C'est la fille de Yu Yevon, la première invokeur à avoir vaincu Sin. Elle avait pour unique gardien son amant et compagnon Lord Zaion. C'est aussi la première à avoir donné sa vie pour sauvegarder Spira du Pêché, la première à avoir découvert l'Ultime Invocation. Elle est un exemple pour pas mal de monde...

« Mais pas pour moi. » C'est comme cela que j'aurais pu terminer ma phrase, mais je ne le faisais pas. Disons que cette histoire était bien trop compliquée que pour que je puisse lui expliquer la Vérité alors qu'il ne se souvenait même pas des données chronologiques élémentaires. Une autre fois peut être je lui expliquerais ce qui se cachait derrière les croyances populaires. Ce que j'avais dit n'en était pas moins juste, mais je me gardais bien de lui donner tous les détails... Chaque chose en son temps.
Contemplant un peu étonnée qu'il était aussi pâle que moi, je me dis que c'était bien sa veine que ma carnation ne change pas malgré le soleil quasi permanent de l'île... Autrement il n'aurait pas été convainquant pour deux sous. Et d'ailleurs justement il faudrait que l'on travaille sa crédibilité si il voulait demeurer naturel aux yeux des villageois. Bien que ces derniers ne soient pas méfiants de nature, on ne pouvait pas dire non plus qu'ils soient stupides, alors l'opération était moins simple qu'elle n'en avait l'air. La patience était une vertu et chaque jour me le montrait un peu plus, mais après tout si j'avais réussi à aider Tidus sans céder à l'impulsion de l'égorger, il n'y avait pas de raisons que cette fois-ci les choses se passent mal.

- Oui... je t'expliquerai ce qu'il faudra, tant et si longtemps que tu seras intéressé. Pour ce qui est des coutumes je ne peux pas t'en faire un résumé, je suppose que le plus simple reste de t'expliquer au fur et à mesure, pour le reste... Kilika est une île non loin de Besaid, qui possède à peu près le même climat. Par contre leur relief est plus tropical encore, et une jungle entoure leur village. Ce dernier a pour particularité d'être construit sur des pontons s'étendant sur l'eau. C'est une tradition que rien n'a pu déloger, même malgré le danger imposé par Sin. Il y a deux ans cet endroit a été ravagé dans sa quasi entièreté et depuis ils ont beaucoup travaillé pour la reconstruction. Au final il y a encore plus de monde qu'à cette époque là... Ce village abrite lui aussi un temple, le temple protégé par Ifrit.
Quant à la Ligue des Jeunes... c'est une organisation militaire qui a repris le relais des Bannisseurs. Les Bannisseurs sont tout simplement des forces armées indépendantes qui luttaient contre Sin avec le peu de moyen dont ils disposaient. Évidemment ils ne pouvaient que le repousser mais jamais le vaincre, et les échecs connus leur ont coûté cher. Cependant à la disparition de ce monstre, beaucoup de ces gens qui vivaient pour défendre le monde se sont retrouvés déboussolés, sans raison d'être. C'est ainsi qu'est née la Ligue des Jeunes. Ils ont toujours leur siège à la route des Mycorocs et sont dirigés par Nooj et Cecil. Désormais ils font office d'une espèce de protection civile, et heureusement les conflits qui les opposaient à New Yevon, la nouvelle philosophie religieuse ont cessé. Leurs idéologies diamétralement opposées ont bien failli déclencher une guerre...

La voix dont j'usais était loin d'être monocorde, surtout parce que malgré ma grossesse au moment de ces différents, je tenais à me maintenir au courant de ce qui se passait. J'étais une femme affranchie, s'intéressant au monde et à tout ce qui le constituait... pas question d'être laissée sur la touche sous prétexte de me ménager. Même maintenant je ne restais jamais bien longtemps sans rien faire, car Vidin me prenait beaucoup de temps. Ce qui est certain c'est que je ressentais dans les tripes quelque chose d'étrangement préoccupant. Depuis quelques jours j'avais l'impression que quelque chose allait arriver, et l'arrivée d'un inconnu amnésique m'avait confirmé que j'avais raison. Mais une chose me titillait encore... Est-ce que les surprises allaient s'arrêter là?

Je remarquais que j'avais surprise Lulu, en lui parlant. Ne m'avait-elle pas entendu arriver ? Pourtant, le sol était en pierre, et...
Tiens, oui. Je n'avais plus mes bottes métalliques. J'étais pieds nus, sur une roche que je sentais plutôt froide, et pourtant, je n'en ressentais pas la moindre gêne. Peut-être n'était-ce pas aussi froid...
A la question de ma "soeur", je pris le temps de me sonder moi-même avant de répondre. Il était vrai que j'avais vraiment eu l'impression de laisser ma peau retourner à l'air libre en enlevant ma lourde tenue, et je ressentais effectivement une sorte de vide. Je me sentais à la fois plus souple dans mes mouvements, et aussi plus...vulnérable. Peut-être était-ce à cause de l'absence des plaques d'armures. Quoiqu'il en fut, force était d'admettre que j'avais sûrement dû porter cet accoutrement pendant très longtemps. Il faisait presque partie de moi, d'une certaine manière. Mais les nouvelles sensations procurées par son absence n'étaient pas non plus désagréables.

- Tu as raison. Je sens effectivement leur absence. Je devais probablement les porter souvent, avant.

Ce qui renforçait l'hypothèse que j'étais une sorte de combattant. Agacé par mes propres réflexions, je les ignorais, me promettant d'arrêter de sauter aux conclusions sans véritable preuve. Rien n’était jamais aussi simple qu’il le paraissait…et peut-être avais-je perdu la majorité de ma mémoire, mais ça, je savais que ça ne changerait pas.
D’une oreille attentive, j’essayais d’apprendre et de comprendre ce que me disait Lulu. Ainsi donc, cette femme était la première Invokatrice…une magicienne donc. Capable de faire appel à des invocations. Etrangement, cela ne me paraissait pas si inconnu. Aurais-je connu des invokeurs par le passé ? Ce n’était pas à écarter.

Concernant Killika, je me sentis à peine rassuré par la description que m’en fit Lulu. Une ville aquatique, alors que ceci ne me disait absolument rien, un climat plus tropical encore que celui de Besaid, alors que mes vêtements suggéraient que je m’étais habitué à un climat plus tempéré… En effet, et même s’il y avait eu une activité plus importante, cette ligue des Jeunes ne paraissait pas si fournie en membres. La meilleure chose à faire était encore de prétendre en connaître quelques règles. Il devait bien avoir un moyen de se renseigner efficacement sur le sujet quelque part. Quant à cette religion, ayant un lien avec ce dénommé Yevon -était-ce une divinité ? Si oui, elle ne me disait rien-… Se pouvait-il que ça ait un lien avec ces moines guerriers dont elle avait fait la mention plus tôt, en parlant de mon revolver ? Il allait être nécessaire de savoir quelques détails sur cette religion aussi.

Une seconde. A-t-elle mentionné Ifrit ?
Enfin un nom qui me disait quelque chose !

- Ifrit ? Ne serait-ce pas une invocation de quelque sorte ? Un combattant cornu, maîtrisant les flammes de l’enfer…

Oui, ça ressemblait bien à quelque chose que j’aurais pu voir. J’en avais une représentation très précise dans mon esprit, aussi vive que si je l’avais vécu. Les chances que je connaisse un invokeur augmentaient donc, peu à peu. Ou, tout au moins, en aurais-je vu un à l’œuvre, s’il s’agissait bien de ce que je pensais. Ce qui laissait une autre piste potentielle à explorer.
Peut-être même que mon séjour ici serait plus bref que prévu. Si j’avais des pistes à explorer, je pourrais rester ici le temps de préparer mon voyage, et ensuite éviter de trop vivre en tant que charge. Remarquant que j’avais laissé mon regard vagabonder un peu dans le vide l’espace de quelques instants, je reportai mon regard embrasé dans celui de Lulu.

- Ce ne sont peut-être pas grand-chose, mais grâce à toi, j’ai pu comprendre plusieurs choses. J’essayerais de m’intégrer au mieux, tout en restant une gêne minimale pour toi ou le village. Si tu vois une manière de me rendre utile, j’en serais plus que ravi. Et je ne pense pas vous déranger très longtemps. Peut-être ces Al Behds, ou bien Killika, me permettront de me faire remonter des souvenirs à la surface.

Homme de peu de mots ou de gestes, j’inclinais la tête pour lui montrer ma reconnaissance. Je pensais maintenant avoir fait le tour de mes questions, excepté pour mon téléphone et cette magie dont Lulu a fait mention à plusieurs reprises. Aussi, je me souvenais qu’elle m’avait fait venir dans un but précis : était-ce simplement pour me montrer le bâtiment ? Elle avait mentionné des moines guerriers, avait-elle espéré que l’édifice me rappelle quelque chose ? Peine perdue dans ce cas. Avait-ce seulement été pour me permettre de me changer ? Ou autre chose ? A voir…
Puis autre chose me vint à l’esprit. Quelque chose qui pourrait m’être utile pour mes voyages et payer mes éventuelles dettes envers Lulu. Je dégrafais une ceinture de mon ancienne tenue, celle tenant à la fois une petite bourse ainsi que la boucle de mon holster. Avant de me la passer autour du torse, je demandai :

- Oh, et j’ai faillis oublier. Est-ce que les gils ont cours, ici ? Et puis-je garder mon revolver à ma cuisse ? Si les armes ne sont pas les bienvenues, je comprendrais…

J'avais jeté un rapide coup d'œil à « Cerberus » dans sa nouvelle tenue, bien plus tribale et sans doute pratique que ce qu'il portait auparavant. Cependant j'étais moi aussi une adepte de la customisation vestimentaire, et ce n'était pas sans raison que j'avais une tenue très originale si l'on prenait en compte les mœurs du coin. Je ne pouvais décemment porter un regard critique sur sa manière de faire... et au final j'étais assez surprise du résultat. Ces vêtements ne lui allaient pas mal du tout en fait... bien qu'il soit indéniable qu'il était un peu trop palot pour être de Besaid. Palot... c'était encore peu dire. Il était d'une blancheur cadavérique, presque macabre si ses yeux ne semblaient pas si vivants. Fort heureusement, si cet homem dégageait quelque chose de sombre au fond il ne me semblait pas qu'il ait mauvais fond, et ce de manière instinctive. Je ne m'expliquais pas vraiment pourquoi je faisais tout ceci pour le couvrir, mais de toute façon le temps finirait bien par nous le dire!

- Oui c'est même plus que ça, tu es d'une pâleur absolue... un peu comme si tu ne voyais pas le soleil très souvent. Remarque peut être que ça ne veut rien dire puisque moi non plus je n'ai pas un bronzage prononcé.

Je laissai mes mains distraites épousseter un peu ma robe plus par réflexe que par nécessité, tandis que je donnais des explications autant qu'il m'était possible. C'était difficile de faire un bon exposé de tout ce qu'il y avait à dire et en même temps rester concis pour ne pas l'ennuyer. Pourtant il lui faudrait être bien débriefé si il voulait ne pas attirer les soupçons, ce qui mettait un peu plus de responsabilités sur mes épaules. Je décidai alors de poursuivre un peu, afin d'éclaircir ce qui pouvait l'être. En même temps les moments de relative tranquillité comme ceux-ci ne seraient pas légion à l'avenir... Détournant les yeux, je vis une des anciennes du village entrer pour faire ses prières quotidiennes dans un coin, discrètement et sans rien leur dire. Pourtant je savais aussi que lorsqu'elle aurait terminé, elle viendrait sûrement essayer de découvrir qui était ce jeune homme inconnu... Baissant la voix, je continuai.

- La ligue des jeunes est devenue depuis peu une sorte de milice universelle commandée par Nooj, qui sillonne les quatre coins de Spira et sert un peu de police... Leur nombre a retrouvé l'égal de celui des grands temps des Bannisseurs, et leurs esprits fougueux ce sont un peu calmés. Ils ont toujours été très volontaires voir trop, ce qui les a parfois conduits à devenir trop téméraires ou précipités. Toutefois j'ai toujours préféré ça à l'hypocrisie de l'église, trop préoccupée à cacher ses secrets pour se remettre sérieusement en question.

À vrai dire mon point de vue sur la question était assez mitigé parce que les deux institutions avaient commis des erreurs par le passé. Aucune n'était exemptée de fautes et toutes les deux avaient bien failli être responsables d'une nouvelle guerre à cause des différentes idéologies. Fort heureusement, Yuna avait réussi à calmer les tensions avec son talent et sa diplomatie... J'aurais bien aidé moi aussi, mais à ce moment là j'étais en fin de grossesse et j'avais d'autres soucis, plus personnels. Calmer les angoisses pré-paternelles de Wakka par exemple... Mais désormais Vidin pourrait connaître une Spira en paix et libre de Sin. Ou du moins c'était ce que j'espérais.

- Si, Ifrit est une chimère, exactement comme tu le décris. Mais tout cela m'intrigue... Les chimères ne sont pas une rencontre que l'on puisse faire tous les jours, et cela fait deux ans qu'elles n'existent plus. Ce qui veut dire que si tu sais à quoi ressemble Ifrit sans que je te donne le moindre indice, tu as probablement été en contact avec un invokeur. Il est par contre impossible que tu en sois un, car de par leur statut ils sont toujours très connu de tous... Hum... peut être as tu été gardien toi aussi, qui sait?

Je n'aimais pas tracer des plans sur la comète de cette façon, mais c'était à cela que j'étais réduite. Tout indice avait une signification et j'étais la seule à connaître parfaitement ce qui nous entourait... Alors il fallait que je mène l'enquête à ma façon, quitte à déterrer des vieux démons du passé. Il faudrait que nous nous rendions dans la salle du priant à nouveau et que je puisse m'enquérir de l'état des lieux. Vite. Me tournant donc quelques instants, dos au tireur, je baissai la tête. Je savais qu'il était à la recherche de ce qu'il y avait de plus précieux et plus complexe à la fois... lui-même. Alors il lui faudrait de l'aide mais aussi la liberté de poursuivre ailleurs et de se rétracter, ce qui était son droit le plus strict.

- Ne t'en fais pas pour ça, je ne te retiendrai pas si tu décides de partir pour une raison ou pour une autre, surtout que je ne suis pas du genre à poser des questions embarrassantes. Je te demande juste de me prévenir histoire que je trouve une explication pour les autres... Pour te répondre, oui bien sûr les gils sont acceptés ici et tu peux garder ton arme. Le lieu dans lequel nous nous rendons est très beau et rempli de mysticisme, mais aussi de mystères que peu connaissent de près. Les monstres surgissent parfois dans le temple et bien que Wakka s'assure régulièrement qu'il n'y a pas de danger, on n'est jamais trop sûrs de rien...

Je me tournai alors et lui fis face, observant derrière lui la série de marches de marbre qui donnait accès aux profondeurs du temple. Je connaissais les lieux par cœur, et je me rappelais encore vivement de ce jour ou Yuna avait réussi à maîtriser Valefore, devenant ainsi officiellement un invokeur confirmé. Mais ce jour là nous étions déjà nombreux, l'entourant comme un noyau dur afin de l'aider dans sa quête libératrice. Un ascenseur se dressait plus loin, puis s'étendait la tant redoutée salle de l'épreuve... Marchant donc pour me diriger en ce sens, j'attendis au haut des marches jusqu'à ce que Cerberus me rejoigne. Il avait beaucoup à apprendre des lieux... et pas que de ceux-ci.

- Il faut que je vérifie quelque chose dans la chambre du priant... Cet être immatériel qui est le symbole de la chimère protectrice de ce temple, Valefore. Tu sembles connaître Ifrit... Mais connais tu les autres? Shiva, Bahamut, Anima?
Hum... viens suis moi mais lorsque nous descendrons dans la salle de l'épreuve, fais attention à toi. Les monstres risquent de nous attaquer. Ils ne sont pas très forts ici, alors ce ne devrait pas poser de souci.

Me tenant bien au centre de la dalle circulaire qui servait d'ascenseur, je l'invitai du regard à me rejoindre. Ce système était mystérieux voire archaïque, mais la vérité c'était qu'il n'y avait aucune mécanique humaine derrière ce système, uniquement la magie provenant du temple lui même, et qui en dépit de l'absence des chimères, ne semblait pas faiblir. Mais justement... c'était ce que je voulais vérifier pour la première fois de mes propres yeux. Les Chimères étaient-elles vraiment une page tournée??

- Attention ça va secouer un peu...

[HRP : Désolé du délai >_< mais j'étais dans un état pitoyable les deux dernières semaines...]

Je serrais la boucle de ma ceinture au niveau de la taille, le holster pendant le long de la cuisse. Alors que j'attachais aussi ce dernier, je notais une légère pointe d'agressivité dans les propos de Lulu. "L'hypocrisie de l'église", et des secrets...je n'osais pas relever pour le moment, sentant que ce n'était peut-être pas mes affaires, mais je gardais l'anecdote dans un coin de ma mémoire, pour plus tard. Et, bonne nouvelle, j'avais effectivement vu juste en parlant d'Ifrit. Ce qui me rapproche au moins d'une piste. Mais aurais-je vraiment été gardien ? Si je me souvenais des invocations, c'était peut-être simplement un souvenir particulièrement vivace, car je n'avais pas l'impression de savoir quoique ce soit à propos des gardiens - hormis ce que m'avais dit Lulu il y a peu de temps.

J'hochais ensuite la tête, reconnaissant devant la liberté que m'accordait Lulu. J'étais visiblement bien tombé en arrivant dans ce village. Je vérifiais alors que mon arme était chargé en reculant les trois chiens (tiens ? comme un cerbère...) du revolver; pas un seul emplacement n'était vide. J'espérais que mon passage dans l'eau n'avait pas mouillé les balles, mais à première vue, il n'y avait rien à signaler.
Un endroit potentiellement dangereux, n'est-ce pas ?
Ce serait éventuellement un moyen de voir si je sais vraiment me servir de cette arme. Et Lulu semblait presque impatiente de m'emmener dans ce lieu. Mieux valait rester sur mes gardes, au cas où...

Je dressais ensuite l'oreille à l'entente de certaines invocations. D'après le nom, "Valefore" devait être aussi une invocation, mais elle ne me disait rien...au contraire des autres. Montant à mon tour les marches, je sentis cependant la solitude qui semblait envahir progressivement les lieux. Etait-ce vraiment un lieu très fréquenté...? Peu importait. J'accompagnai donc Lulu, dans ce qui me sembla d'abord être un dédale de couloirs. D'après ce que j'avais vu de la bâtisse, nous étions à peu près au niveau du sol, et nous touchions aux limites de l'espace que j'avais pu voir depuis l'extérieur. Une "chambre" ? Je doutais qu'elle soit plus grande que celles où je me suis changé plus tôt, si elle se trouvait ici...

- Shiva, une déesse lunatique mais indulgente, née de la plus froide des glaces. Bahamut, un dragon à la force redoutable. Mais Anima et Valefore...non, ces noms ne me disent absolument rien...

Et d'une certaine manière, Bahamut m'était plus familier que les autres...sans que je puisse en comprendre la raison. Lulu marchait d'un pas sûr et déterminé, alors que je m'acharnais à mémoriser le chemin que nous prenions. Je voyais d'autres chemin qui se dressaient çà et là, mais visiblement sans intérêt. Des symboles inconnus luisaient parfois sur les murs, et à plusieurs reprises, je voyais des sortes de renfoncements dans les murs. L'architecture des lieux était basée sur les angles droits, et donc il était facile de se repérer. Mais cette pierre, et ces glyphes...m'étaient aussi à la fois étrangers et familiers. Etrange sensation. Quand Lulu m'enjoignit à la rejoindre au centre d'une sorte de cercle, je m'exécutais, curieux néanmoins.

Il ne me fallut pas longtemps pour comprendre qu'il s'agissait d'une sorte de monte-charge archaïque, alors que je sentais mes appuis plutôt ébranlés. Mais les lieux ne semblaient pas être issus de la moindre technologie avancée...le temple avait-il été "rénové" ? Pourtant Besaid ne semblait pas disposer de ce genre de ressources...je poserais ces questions plus tard.
Nous débouchâmes finalement sur une sorte de long couloir, bordé de torches à la flamme vacillante. Etrange. Nous étions pourtant sous terre, donc impossible qu'il y ait le moindre vent...
L'atmosphère semblait s'être considérablement alourdie, et un chant féminin presque éthéré vint s'ajouter à cette dernière. Y avait-il quelqu'un d'autre que nous, ici...?

Je supposais qu'il fallait continuer tout droit, mais je laissai Lulu me guider, en m'effaçant poliment devant elle. L'endroit ne m'inspirait pas une confiance totale, je devais l'avouer. Au mieux, je me sentais épié...au pire, considéré comme un intrus. La chambre du Priant, la chimère protectrice des lieux...Lulu voulait-elle me faire rencontrer une de ces chimères ? Si ces créatures possédaient une force colossale, elles étaient aussi dotées d'intelligence et de mémoire, donc il était aussi possible qu'une chimère me reconnaisse. Etait-ce ce à quoi elle pensait en m'emmenant ici ? Certes, c'était ce que je plannifiais de faire à...quel était ce nom déjà ? Kilika. Oui, je sentais que je devais au moins rencontrer Ifrit, afin d'obtenir des réponses.
C'est donc vigilant et rassuré par le poids contre ma cuisse que je suivais Lulu.

- Et maintenant...?

Je ne pouvais pas vraiment dire que j'étais tiraillée par de la curiosité à proprement parler, mais peut être était-il judicieux de concéder que je me sentais appréhensive concernant la potentielle issue des événements. Depuis ce matin le calme monotone de Besaid avait été ébranlé par une arrivée impromptue, que je m'étais empressée de camoufler afin de ne pas provoquer la panique. Par ailleurs comme lorsque Tidus était venu parmi nous, on dirait bien que beaucoup de choses se passaient en coulisses, là où la plupart des acteurs ne pouvait pas regarder. C'était précisément pour me rassurer que j'avais voulu venir au temple, afin de constater par prudence que jusque là il n'y avait pas de signes de danger imminent. Ceci dit en parler à Cerberus n'aurait pas résolu cette problématique, alors je préférais garder le silence sur ce genre de détails tant qu'il n'était pas manifeste qu'il y avait bien de quoi s'inquiéter. Tentant de le distraire en parlant d'autres choses qui sans être hors sujet l'écartaient du cœur de ce qui me hantait, je profitais de ce temps pour essayer d'exercer sa mémoire tout en espérant que bientôt elle ne revienne au moins en partie. Même quelques bribes seraient déjà un départ afin que l'on puisse découvrir qui il était...

- Tu en connais plusieurs, c'est déjà un bon signe... Si tu es capable de donner jusqu'à des traits de leur caractère, cela signifie que tu en connais l'existence et que tu les as probablement connus de très près. Après bien sûr j'en suis réduite à des spéculations...

Un bref tremblement secoua la passerelle circulaire avant que celle-ci ne s'engouffre irrémédiablement dans les profondeurs, les menant cette fois-ci dans une petite avant-chambre très simple, ou l'atmosphère semblait plus chargée de mysticisme que jamais. Déglutissant malgré le sérieux de mon expression, je me sentais presque engourdie et ankylosée... ce qui était sûrement du au combat interne que je livrais. D'un côté les traditions de l'enfance me pousseraient à ne pas mettre les pieds dans la chambre du priant, ce qui venait de la stricte interdiction des préceptes, et d'un autre côté la raison qui me poussait à assumer le poids des responsabilités qui planait sur mes épaules et me disait de vérifier ce qui se passait sur les lieux. Corporellement tout cela se traduisit par des pas lents et mesurés, sans pour autant que je ne manifeste de l'hésitation. Je n'en avais pas le droit, pas quand l'avenir de Spira pouvait être dépendant de ma découverte potentielle.

- Et maintenant il faut que nous poursuivions jusqu'à la dernière salle, la chambre du priant. Ce sont eux qui ont par le biais de leurs rêves donné vie à toutes les chimères, ce sont eux qui nous ont prêté leurs pouvoirs afin que nous détruisions Sin. Mais depuis que ce dernier n'est plus, nous leur avons rendu la liberté et leur avons donné l'opportunité d'atteindre le repos éternel en dehors des chaines de leurs rêves sans fin. En conséquence, les chimères ont disparu... et un trou béant a remplacé la statue de Valefore encastrée dans le sol. Alors voilà la raison de notre présence en ces lieux sacrés... Découvrir si finalement pour des raisons encore inconnues les Priants auraient refait leur apparition.

Il y avait un peu de solennité dans la manière où je m'étais exprimée, mais je ne l'avais pas vraiment choisi. Disons que j'avais toujours été d'un sérieux à toute épreuve dès qu'il s'agissait de combattre ou d'évaluer les risques pour Spira, et maintenant que sans m'y attendre j'y étais confrontée à nouveau, les vieux réflexes revenaient au galop. On ne se refait pas, après tout. Décochant un bref regard envers mon compagnon du moment, je poursuivis en avant, parcourant le couloir qui débouchait sur la chambre. De la fumée et des furolucioles m'obstruaient la vue, qui avait bien du mal à y voir quoi que ce soit. S'arrêter était hors de question, alors tout en retenant mon souffle je pénétrai pour la première fois en ces lieux. Une toute petite salle circulaire aux murs de marbre se dressa devant moi, alors qu'effectivement je pus contempler une cavité béante en plein milieu de cette dernière. Prenant garde pour ne pas tomber, je me plaçai sur le côté afin que Cerberus puisse entrer en toute sécurité. Un soupir s'échappa d'entre mes lèvres alors que prudemment je me penchai un peu pour regarder en bas. Yuna m'avait longuement parlé de cet endroit ayant changé si radicalement, mais il est vrai que j'avais eu du mal à l'imaginer puisque je ne l'avais jamais vu de mes propres yeux. La grossesse de Vidin m'avait empêchée de m'aventurer aussi loin, et même si j'avais insisté, Wakka ne m'aurait jamais laissé faire.

J'étais plutôt apaisée par ce creux géant, par cette abomination qui défigurait le temple mais qui paradoxalement symbolisait une bonne augure, lorsque finalement quelque chose d'autre me fit me redresser pour tendre l'oreille. C'était un bruit faible et persistant, qui était audible malgré les chants de l'hymne du priant... Quelque chose de mystérieux que je ne pouvais pas identifier, comme un râle plaintif ou une demande d'aide. Une supplique? Mais de qui? M'approchant instinctivement de Cerberus comme pour mieux faire bloc au cas ou les choses prendraient une tournure inattendue, je fronçai les sourcils, en proie à un mauvais présentiment. C'est alors que mon intuition s'avéra être juste, lorsque je vis une silhouette translucide et fumante apparaitre en planant au dessus du vide. C'était un enfant aux allures fantomatiques, puisque ce n'était qu'une image projetée par les furolucioles en présence... mais c'était aussi et surtout quelque chose qu'elle aurait préféré ne pas voir: un Priant.

- Cerberus reste sur tes gardes, je ne suis pas sûre que tout ça se termine de la meilleure des façons...

De fait j'eus à peine le temps de le prévenir qu'une déferlante de pure énergie fonça sur nous, ce qui me conduisit à le pousser sans ménagements sur l'un des côtés, tout en reculant très rapidement pour éviter rapidement le coup. J'avais beau être une mage noire, je n'avais pas perdu de mon esquive... qui risquait de ne pas me servir de beaucoup si je ne trouvais pas sur le champ une manière de nous sortir de ce guêpier. Le Priant lui ne semblait pas du tout en condition de trouver une solution à l'amiable, et il nous canarda encore à plusieurs reprises, faisant éclater le marbre non loin de ma tête.

- Pourquoi êtes vous revenus ici, pourquoi nous avoir privé de ce que vous nous aviez tout d'abord offert? Pourquoi nous contraindre de rêver à nouveau, dans quel but? Répondez, humains!

Totalement prise au dépourvu j'ignorais de quoi il était question et de ce dont ils nous accusait... En fait la seule chose que je sache c'est que nos vies étaient en danger, et que nous avions intérêt à sortir très vite si nous voulions qu'il reste quelqu'un capable de donner l'alerte. La gravité de ce qu'avançait cet esprit était saisissante, et bien que j'ignore comment une telle chose pouvait se produire, il ne fallait pas me faire un dessin pour me faire comprendre ce qui nous attendait. Confuse de ce qui se déroulait pourtant face à moi, je ne pus que regarder mon compagnon en lui faisant voir de par mon faciès l'interrogation paniquée de quelqu'un qui voyait s'approcher la fin de la Grande Félicité...

[ Sowwwy, mais les partiels de fin d'année n'arrangent rien à ma participation ]

Nos pas résonnèrent avec une intensité renouvelée, produisant des échos intimidants une fois couplés à ce chant mystique que l'on pouvait entendre. Le danger, s'il n'était pas immédiat, restait présent : mon instinct me hurlait de rester sur mes gardes, ce que je fis sans hésiter. La périphérie de ma vision me parut plus claire déjà, et j'affinais autant que possible mon ouïe, afin de pouvoir détecter les éventuels déplacements d'air qui pourraient trahir une attaque. Mais même après avoir aiguisé mes sens, j'en arrivais toujours à la même conclusion : nous étions parfaitement seuls dans les lieux. Et ce chant...comment pouvait-il être présent ? Qui le chantait ? Ces questions m'obsédaient, mais Lulu ne semblait pas s'en soucier au premier abord. Je gardais donc le silence, en lui vouant une confiance que j'espérais bien placée.

- Donc, s'il n'y avait plus de Priants, il ne devrait plus y avoir de magie ni d'invocations, c'est ça ?

N'avait-elle pourtant pas dis plus tôt qu'elle était une sorcière, capable d'user de magie ? Je dois avouer que je nageais dans une certaine mélasse de confusion, depuis mon réveil. Mais je sentais que l'instant n'était plus propice aux réponses ; du moins, pas sur des questions qui pourraient passer pour triviales aux yeux de ma bienfaitrice. Le sérieux de son expression le démontrait. J'avais pourtant tant d'autres interrogations en tête : comment un Priant aurait-il pu revenir ? Comment devenaient-ils Priants, à moins que ce ne soit une créature surnaturelle de naissance ? Comment leurs rêves prenaient-ils forme ? Mais comme tant d'autres, je les éloignais, me concentrant sur les battements de mon coeur, et la crosse en bois que mes doigts caressaient. Lorsque Lulu tourna son regard vers moi, je l'encourageai d'un hochement de tête solennel.

Nous entrions dans la chambre. Le sol sous mes pieds et au-devant était impossible à distinguer, à cause d'une étrange brume immaculée qui semblait habiter les lieux. M'aventurant à la suite de ma prétendue soeur, je débouchais sur une salle circulaire, bien moins grande que ce à quoi j'avais pu m'attendre. J'aurais presque préféré une sorte d'arène, dans le cas où des hostilités débuteraient, mais c'était visiblement trop demander. D'un pas prudent, je m'immobilisais à bonne distance du trou et des murs, de façon à pouvoir bouger aisément en cas d'attaque. Il y avait une sorte de puis au centre de la chambre, mais je n'osais m'y aventurer, par prudence. Je guettais la réaction de Lulu du coin de l'oeil : visiblement, il n'y avait rien de suspect, pour l'instant.

Puis, je sentis quelque chose résonner dans mon corps. Un appel, du plus profond de mon être ; quelque chose que je ne pouvais ignorer, même si je le voulais. J'entendais des pleurs. Ou plutôt, une plainte, qui ne m'était étrangère...
La plainte de la planète.
L'idée s'était imposée à moi comme une évidence, mais je ne savais pas d'où je la tenais. Je sentis la magicienne se rapprocher de moi, tendue par ce nouveau son qu'elle devait sans aucun doute percevoir, elle aussi. L’atmosphère semblait s’alourdir de seconde en seconde d’une tension désormais palpable. Puis, la forme d’un enfant se matérialisa lentement sous nos yeux. Le phénomène était à coup sûr magique, et je savais déjà ce que j’avais en face de moi. L’expression sur le visage du Priant, ainsi que son apparence pourtant si innocente, faisait planer sur lui une aura de dure mélancolie.

Une seconde après l’avertissement de Lulu, je sentis mon cœur bondir dans sa poitrine ; projeté sur le côté par cette dernière, j’évitai de justesse la décharge d’énergie. Je n’avais rien vu venir : elle était venue de nulle part, sans signe avant-coureur d’une quelconque animosité de la part du Priant. Me remettant cette fois-ci à mon ressenti plutôt qu’à ma logique, j’esquivais tour à tour, dans un ballet rougeoyant, les attaques successives de l’enfant magique. Les multiples explosions projetèrent des éclats blancs sur le sol et sur mon dos, témoignant de la puissance du Priant – ou de sa volonté de se débarrasser de nous…

- Pourquoi êtes-vous revenus ici, pourquoi nous avoir privés de ce que vous nous aviez tout d'abord offert? Pourquoi nous contraindre de rêver à nouveau, dans quel but? Répondez, humains!

Comment ? Rien de tout cela n’avait de sens, pour moi. Du regard, je cherchais à m’assurer que Lulu allait bien ; elle était bien là, un peu essoufflée, mais vivante. Malheureusement, au vu de son expression, elle en savait aussi long que moi sur les élucubrations du Priant.
D’accord…on change de tactiques.
D’après le ton de la forme éthérée, il pensait que nous savions ce qu’il lui était arrivé, et il était dangereusement instable. Il était fou…et le meilleur moyen de calmer un fou, c’était de le rejoindre dans sa folie. Devant l’inaction de la sorcière, je su que c’était désormais à moi d’essayer de nous sortir de là.

- Nous n’avions pas le choix, commençais-je d’une voix calme. Sin est de retour, et nous avons besoin de vous.

Ma voix était forte, et sans hésitation ; il fallait que je sois convaincu de mes paroles, sans quoi le dialogue serait impossible. Le Priant devait percevoir ma certitude et ma sincérité dans mes propos, ce qui n’était pas aussi difficile dans une situation comme celle-ci. Je n’avais pas pris mon arme en main, en signe de paix et de soumission – bien que je doute qu’une telle arme puisse avoir un quelconque effet sur la créature spectrale. Avec une conviction renouvelée, je pris de nouveau la parole, sans omettre de me rapprocher lentement de Lulu, et de la sortie. Au cas où, je savais que je pouvais faire diversion pour lui permettre de fuir, avec l’attention du Priant concentrée sur moi.

- Nous avons besoin de vos pouvoirs, continuais-je, et nous excusons humblement de vous tirer de votre repos mérité. Mais vous devez me croire, nous ne pouvions faire autrement face à Sin. S’il vous plaît, aidez-nous.

Le ton s’était presque transformé en supplique, sur la fin, dans le but de m’attirer la pitié et la compassion du Priant. Mais je doutais que la tactique fonctionne : rien ne me permettait de penser que le Priant avait des sentiments ou un mode de pensée comparable au nôtre. Dans un curieux paradoxe, je me retrouvais à prier pour que ma tirade puisse ramener le Priant à la raison, tout en attendant un appui de la part de Lulu.
Et sinon, nous allions devoir fuir. Très vite.

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